Page:Œuvres de Bacon, II.djvu/98

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9S NOUVEL ORGANUM.

de lueur connue sous le nom de feu follet, et qui donne quelquefois contre un mur, n’a qu'un très-faible degré de chaleur, peut-être un degré de chaleur égal à celui de la flamme de l'esprit-de-vin, qui est douce et tranquille. Une espèce de flamme encore plus douce, c'est celle qui, au rapport de certains historiens graves et dignes de foi, a paru quelquefois autour de la tête et de la chevelure de jeunes garçons ou de jeunes filles ; flamme qui ne brûlait nullement cette chevelure, et qui ne faisait que voltiger tout autour en tremblotant mollement et comme en la léchant. Mais un fait bien constaté, c’est celui d’un cheval faisant route de nuit, par un temps chaud et sec, et suant beaucoup, autour duquel parut une certaine lumière, sans aucune chaleur sensible. De plus, il y a quelques années (fait très-connu et qui a presque passé pour un prodige), le fichu de certaine fille très-jeune encore, un peu secoué ou frotté, paraissait lumineux ; ce qui pouvait venir de l'alun ou des autres sels dont le mouchoir était imprégné, qui y adhéraient superficiellement, s'y étaient comme incrustés et étaient brisés par le frottement. Un autre fait qui n’est pas douteux, c'est que toute espèce de sucre, soit candi, soit ordinaire, pourvu toutefois qu’il soit un peu dur, étant rompu dans l'obscurité ou gratté avec un couteau, jette des étincelles. De même l'eau de mer, battue par les rames, et durant la nuit, paraît étincelante. Disons plus : durant certaines tempêtes, et la nuit aussi, l'écume de la mer, fortement agitée, paraît toute lumineuse ; genre de lumière auquel les Espagnols donnent le nom de poumon marin. Quant à l'espèce de flamme connue des anciens navigateurs sous le nom de Castor et Pollux, et connue aussi des modernes sous celui de feu Saint-Elme, on ne s'est pas encore assuré par l'observation du degré de chaleur qu'elle peut avoir.

12 (corresp. au 7e affirm.). Tout corps fortement échauffé par le feu et poussé jusqu'au rouge ou jusqu'à l'incandescence, mais sans flamme, est perpétuellement chaud ; et à cette affirmative ne répond aucune négative. Mais ce qui en approche beaucoup, c'est l'exemple du bois pourri qui la nuit paraît lumineux ; et cependant n’a aucune chaleur sensible au tact. Il en est de même des écailles de poisson lorsqu'elles se putréfient ; en les touchant, on n'y trouve aucune chaleur sensible. Il en faut dire autant des vers luisants et de l'espèce de mouche connue en Italie sous le nom de luciole.

13 (corresp. au 8e affirm.). Quant aux eaux des bains chauds naturels, il faudrait savoir dans quelles sortes de lieux, dans quelles espèces de terrains elles coulent ordinairement ; mais c'est ce dont on n'a pas encore assez pris soin de s'assurer. Ainsi il n’y a pas non plus ici de négative.