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Page:Œuvres de Blaise Pascal, IV.djvu/159

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ENTRETIEN AVEC SACI 55

choses ; mais il avoüa en mesme temps que tout le monde n’avoit pas le secret comme luy de faire des lectures des reflexions si sages et si elevées. Il luy dit qu’il ressembloit à ces medecins habiles qui, par la maniere adroite de preparer les plus grands poisons, en sçavent tirer les plus grands remedes. Il adjouta que, quoy qu’il voyoit bien, par ce qu’il venoit de luy dire, que ces lectures luy estoient utiles, il ne pouvoit pas croire neanmoins qu’elles fussent avantageuses à beaucoup de gens dont l’esprit se traineroit un peu, et n’auroit pas assez d’elevation pour lire ces auteurs et en juger, et sçavoir tirer les perles du milieu du fumier, aurum ex stercore Tertulliani, disoit un Pere. Ce qu’on pouvoit bien dire de ces philosophes, dont le fumier, par sa noire fumée, pouvoit obscurcir la foy chancelante de ceux qui les lisent. C’est pourquoy il conseilleroit toujours à ces personnes de ne pas s’exposer legerement à ces lectures, de peur de se perdre avec ces philosophes, et de devenir l’objet des demons et la pasture des vers, selon le langage de l’Ecriture 1 , comme ces philosophes l’ont esté.

« Pour l’utilité de ces lectures, dit M. Pascal, je vous diray fort simplement ma pensée. Je trouve dans Epictete un art incomparable pour troubler le repos de ceux qui le cherchent dans les choses exterieures, et pour les forcer à reconnoistre qu’ils sont de veritables esclaves et de miserables aveugles ; qu’il est impossible qu’ils trouvent autre chose que l’erreur et la douleur qu’ils fuient, s’ils ne se donnent sans reserve à Dieu seul. Montaigne est incomparable pour confondre l’orgueil de ceux qui,

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1 . Ecclesiastic. VII, 19 : Humilia valdé spiritum tuum : quoniam vindicta carnis impii, ignis et vermis.