Page:Œuvres de Blaise Pascal, V.djvu/379

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DOUZIÈME PROVINCIALE 363

cela ne se peut faire, sans exposer de nouveau, et mesme sans découvrir plus à fond les points de vostre Morale ; en quoy je doute que vous soiez bons politiques 1. La guerre se fait chez vous, et à vos despens ; et quoy que vous aiez pensé qu’en embroüillant les questions par des termes d’Escole, les responses en seroient si longues, si obscures, et si épineuses, qu’on en perdroit le goust, cela ne sera peut-estre pas tout à fait ainsi : car j’essaieray de vous ennuyer le moins qu’il se peut en ce genre d’escrire. Vos maximes ont je ne sçay quoy de divertissant qui réjoüit toujours le monde. Souvenez-vous au moins que c’est vous qui m’engagez d’entrer dans cét éclaircissement ; et voyons qui se deffendra le mieux.

La premiere de vos impostures est sur l’opinion de Vasquez touchant l’aumosne 2. Souffrez donc que je l’explique nettement, pour oster toute obscurité de nos disputes. C’est une chose assez connüe, mes Peres, que selon l’esprit de l’Eglise il y a deux preceptes touchant l’aumosne : l’un de donner de son superflu dans les necessitez ordinaires des pauvres ; l’autre de donner mesme de ce qui est necessaire selon sa condition dans les necessitez extrêmes 3. C’est ce que dit Cajetan 4 après S. Thomas : de sorte que pour

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1. Cf. ces notes de Pascal (Pensées, fr. 883, T. III, p. 319). « Les malheureux qui m’ont obligé de parler du fond de la religion » ; et Pensées, fr. 927, T. III, p. 363, « Vous estes mauvais politiques. »

2. Cf. l’écrit du Père Nouet, supra p. 346 sqq.

3. W. ne met pas ces phrases en caractères italiques.

4. W. Caietanus, quem vos imperitè pro Vasquesio profertis. — Thomas de Vio, dit Caietan, dominicain, né à Gaëte (1470-1534), fut