Page:Œuvres de Blaise Pascal, XI.djvu/182

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pas non seulement la persévérance, mais mesme le pouvoir de persévérer sans un secours spécial, c’est-à-dire qui n’est pas commun à tous ?

D’où vous voyez combien il se conclud nécessairement, qu’encore qu’il soit vray en un sens, que Dieu ne laisse jamais un Juste, si le Juste ne le laisse le premier ; c’est-à-dire que Dieu ne refuse jamais sa grâce à ceux qui le prient comme il faut, et qu’il ne s’éloigne jamais de ceux qui le cherchent sincèrement, il est pourtant vray en un autre sens que Dieu laisse quelquefois les Justes avant qu’ils l’ayent laissé ; c’est-à-dire que Dieu ne donne pas toujours aux Justes le pouvoir prochain de persévérer dans la prière. Car puis que le Concile déclare que les Justes n’ont pas toujours le pouvoir de persévérer, d’où nous avons vu qu’il s’infère de nécessité que c’est s’opposer au Concile de dire, de quelque Juste que ce soit, que Dieu luy donne le pouvoir prochain de prier dans l’instant suivant ; ne paroist-il pas qu’il y a des Justes que Dieu laisse sans ce pouvoir pendant qu’ils sont encore Justes, c’est-à-dire avant qu’ils ayent laissé Dieu, mesme par aucun péché véniel, puis que si Dieu ne refusoit ce secours prochain à aucun de ceux qui n’ont commis aucun péché véniel depuis leur justification, il s’ensuivroit que tous les justifiez recevroient avec leur justification le pouvoir prochain de persévérer par un secours gênerai, et non pas spécial ?

D’où nous conclurons que, suivant le Concile, les Commandemens sont toujours possibles aux