Page:Œuvres de Blaise Pascal, XI.djvu/206

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Voilà le délaissement où Dieu commence, et celuy-là est par un jugement caché et impénétrable.

Il paroist donc que Dieu ne quitte que parce qu’il a esté quitté, et que l’homme ne quitte que parce qu’il a esté quitté ; et qu’ainsi il est absurde de conclure que, dans les sentimens de S. Augustin, Dieu ne quitte jamais le premier, parce qu’d a dit, que Dieu ne quitte point le premier ; et que l’un et l’autre est ensemble véritable [1][et qu’il quitte], et qu’il ne quitte point le premier, à cause des différentes manières de quitter.

Il n’en faut pas davantage pour vous faire voir de quelle manière l’on doit accorder ces contradictions apparentes. Je ne m’etendray donc pas davantage sur ce sujet. Mais parce qu’il m’a conduit insensiblement à parler du délaissement des Justes, et que je scay que c’est la seule difficulté qui vous retient, et la seule chose de tous les points que l’on conteste aujourd’huy que vous avez peine à croire qu’elle soit de S. Augustin ; je ne finiray point cette lettre sans vous eclaircir ce point parfaitement, si Dieu m’en donne le pouvoir.

Je prétends donc vous faire voir par S. Augustin que le Juste ne quitteroit jamais Dieu, si Dieu ne le quittoit en ne luy donnant pas toute la grâce nécessaire pour persévérer à prier ; Et que non seulement c’est un point de la Théologie de ce Père, mais que l’on ne peut [le] nier sans destruire tous les prin-

  1. Addition de Bossut.