Page:Œuvres de Blaise Pascal, XI.djvu/205

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où l’homme commence, et Dieu fait bien souvent qu’on ne le quitte pas. Donc il ne le fait pas tousjours. Donc quand on le quitte, c’est parce qu’il ne fait pas qu’on ne le quitte pas ; C’est parce qu’il ne retient pas ; Donc il arrive premièrement que Dieu ne retient pas et ensuite on le quitte ; Car ceux qu’il retient ne le quittent pas : N’est-ce pas précisément ce que je viens de dire ? Le premier délaissement consiste en ce que Dieu ne retient pas, ensuite de quoy l’homme quitte, et donne lieu au second délaissement par lequel Dieu le quitte. En un de ces delaissemens Dieu suit, et il ne s’y trouve aucun mystère ; car il n’y a rien d’étrange, en ce que Dieu quitte des hommes qui le quittent. Mais le premier délaissement est tout mystérieux et incompréhensible.

Et S. Augustin, maître de saint Prosper, traite la mesme chose avec la mesme netteté, lorsqu’il dit en parlant de la chute de tous les reprouvez generallement qui arrivent pour un temps à la justification, qu’ils reçoivent la grâce, mais pour un temps ; Ils quittent et ils sont quittez ; Car ils ont esté abandonnez à leur libéral arbitre par un jugement juste, mais caché, où l’on voit qu’ils quittent et qu’ensuite ils sont quittez : Voilà le délaissement où Dieu suit et qui n’a rien de mystérieux. Mais si l’on demande pourquoy ils quittent, il en donne pour raison, Car ils ont esté abandonnez à leur libéral arbitre. Ils ont donc esté abandonnez avant que de quitter, et mesme ils ne quittent que parce qu’ils ont esté quittez.