Page:Œuvres de Blaise Pascal, XI.djvu/329

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vostre lettre que j’avois des amis dans le fauxbourg. C’est un grand attraict pour moy, qui n’en puis trouver aucun au pays où j’habite. J’y trouve bien de la considération et de l’estime, bien des visites en toutes les occasions’; mais du secours, du conseil, de la consolation dans mes affaires, c’est ce que je ne trouve point du tout quoique j’en aye un grand nombre, et que tout le monde soit convaincu des injustices qu’on me fait ; mais chacun regarde cela dans l’indiference. Je vous avoue que cela m’est bien sensible, et asseurement on se trompe bien quand on croit que j’ay de l’attache icy. Je vous asseure que non, et que je n’y suis nullement attachée, mais enchaisnée et garrotée, et que j’y souffre une violence qui ne se peut exprimer. Quand je dis que je n’ay point d’amis icy, ce n’est pas que j’y aye des ennemis ; au contraire, j’y suis considérée plus qu’on ne sçauroit dire, mais c’est que le naturel du pays est d’estimer beaucoup les gens et de ne s’intéresser que de ses propres affaires. Si j’estois en société, je serois bien secourue et bien soutenue:mais comme personne n’a de part dans mes affaires, personne ne s’en soucie. Je crois que vous me connoissez assez pour comprendre que cette sorte de vie ne me plaist guère. Aussy je vous avoue que j’y souffre beaucoup, et d’autant plus que je cache une grande partie de mes sentimens à mes enfans qui seroyent accablez, s’ils sçavoyent à quel point je suis affligée. C’est pourquoy je vous prie de ne me faire aucune réponse là-dessus, afin qu’ils ne sçachent pas que je vous en aye parlé. Adieu, Monsieur, priez Dieu pour nous, et croyez que je suis, autant qu’on le peut estre, vostre tres-obeissante servante,

G. Pascal.

J’ay toujours oublié de vous mander que ma fille la jeune a esté parfaitement guérie de sa fièvre quarte par la frayeur qu’elle eust lors de mon accident ; elle l’avoit lors doublequarte. Il y avoit treize mois qu’elle estoit malade, ayant eu quelques intervalles, mais ayant des recheutes continuelles; et depuis cela elle n’a pas eu le moindre ressentiment.

(A Monsieur Monsieur Vallant, docteur en médecine, faux-