Page:Œuvres de Blaise Pascal, XIII.djvu/24

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Leurs robes rouges, leurs hermines[1], dont ils s’emmaillottent en chats fourrés[2], les palais où ils jugent, les fleurs de lis, tout cet appareil auguste était fort nécessaire ; et si les médecins n’avaient des soutanes et des mules, et que les docteurs n’eussent des bonnets carrés et des robes trop amples de quatre parties, jamais ils n’auraient dupé le monde qui ne peut résister à cette montre si authentique. S’ils avaient la véritable justice et si les médecins avaient le vrai art de guérir, ils n’auraient que faire de bonnets carrés ; la majesté de ces sciences serait assez vénérable d’elle-même. Mais n’ayant que des sciences imaginaires, il faut qu’ils prennent ces vains instruments qui frappent l’imagination a laquelle ils ont affaire : et par là, en effet, ils s’attirent le respect[3]. Les seuls gens de guerre ne se sont pas déguisés de la sorte, parce qu’en effet leur[4] part est plus essentielle, ils s’établissent par la force, les autres par grimace[5].

  1. [Toute leur chafourrure.] — Souvenir d’un fameux chapitre de Rabelais : Pantagruel, V, 11.
  2. [Font trembler le peuple en qui l’imagination abonde : ils ne peuvent pas croire qu’un homme qui n’a pas de soutane soit aussi grand médecin ; les eschevins sont en habit court ; mais la pompe des rois est encore plus éclatante [étonnante.] — Ces réflexions ont été reprises et développées en marge. Nous lisons pompe et non pourpre ; d’ailleurs la suite des idées l’exige (cf. le paragraphe.suivant).
  3. « Qu’il oste son chapperon, sa robe et son latin, qu’il ne batte pas nos aureilles d’Aristote tout pur et tout crud : vous le prendrez pour l’un d’entre nous, ou pis. » (Mont., III, 8.)
  4. [Force.]
  5. Pascal dit dans un autre fragment : « Quand la force attaque la grimace, quand un simple soldat prend le bonnet carré d’un premier président, et le fait voler par la fenêtre » (Fr. 310.)