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SUR LA RÉFORME ÉLECTORALE.

Cet homme est capable parce que sa vieille tante est morte ; cet autre, parce que sa belle-mère lui a cédé son incapacité. Et ce monsieur, pourquoi est-il capable ? Parce qu’il a fait trois fois banqueroute. Et cet autre, pourquoi est-il incapable ? Parce que la capacité ci-dessus a fait banqueroute. Et remarquez bien que je ne dis pas faillite, comme le disent trop souvent les tribunaux ; je dis banqueroute. C’est une capacité qui serait au bagne si elle n’était dans les collèges électoraux.

Et ce préfet qui administre son département avec sagesse, qui y fait prospérer l’industrie, vous parieriez bien, n’est-ce pas, qu’il est plus capable que ce scribe en bas bleus qui expédie dans un coin des bureaux ? Eh bien ! vous perdriez ; le scribe possède de la terre, et le préfet n’en possède pas ; le scribe est dans la salle des élections, et l’homme brodé est à la porte, réduit à intriguer comme un vendeur de contre-marques.

Voilà quelles sont vos capacités !

Si on voulait sincèrement la capacité, il fallait la prendre où elle se trouvait. En France, les capacités brevetées surabondent ; on y lèverait une armée de docteurs. Que ne s’adressait-on à ces capacités ? on aurait été sûr au moins que le souverain savait lire et écrire.

Mais vous affubler d’une couronne de souverain, vous faire un sceptre d’une demi-aune, un trône d’un tas de gros sous ; en vérité, le seigneur de votre village, si, pour son malheur, il revenait à la vie, ne reconnaîtrait guères en vous le fils d’un de ses anciens vassaux. Cependant, cette égalité que nous réclamons, vous savez ce qu’elle a coûté de sang et de larmes à la France ; vous êtes les fils de ceux qui sont morts pour elle, et vous nous la ravissez. Vous dites que vous voulez la liberté, vous l’écrivez sur vos drapeaux, et jusque sur les boutons de votre uniforme. Ne savez-vous pas que la liberté et l’égalité sont deux sœurs qu’on ne peut tenir trop longtemps séparées, qu’en tuant l’une on fait mourir l’autre ?

Vous nous dites sans cesse que le peuple a plus besoin de pain