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SUR LA RÉFORME ÉLECTORALE.

tés toute espèce de sollicitation auprès des ministres. Je ne voudrais point qu’ils descendissent, des hauteurs où je les aurais placés, au rôle de courtiers d’emplois. S’ils ne savent pas se respecter eux-mêmes, il faudrait qu’ils respectassent au moins la nation qu’ils représentent. Dés qu’un citoyen est élu député, son honneur et sa réputation ne lui appartiennent plus : ils appartiennent à la France. C’est une espèce de cautionnement qu’ils a remis entre ses mains, et auquel il ne lui est plus permis de toucher.

Vous croyez, vous, homme de bonne foi, que ce sont les opinions de la nation qui sont représentées, et ce ne sont, le plus souvent, que les espérances ambitieuses de quelque racoleur d’élections qui a bâti sur le scrutin l’édifice de sa fortune. Non, ce n’est pas la réputation d’homme obligeant qu’il faut à un député ; c’est la réputation d’homme intègre. Un acte d’obligeance, c’est presque toujours un acte d’injustice ; quelquefois, c’est un acte de trahison. Oui, un acte de trahison. Ne vous récriez pas tant ; je pourrais fournir au moins une preuve de ce que j’avance.

Vous avez beau dire, Monseigneur, que je suis un puritain ridicule. Je trouve mal, et très mal, que le député soit l’obligé du ministre. Il s’expose à manquer de fidélité à son mandat, ou de reconnaissance, et la plupart des députés ont l’âme trop bien placée pour manquer de reconnaissance. Que nous importe à nous que nos députés dînent chez le ministre ? Nous n’avons besoin de députés si replets. Devraient-ils se laisser dire, nos députés, que les emplois appartiennent au talent et à la vertu, et non à la cupidité recommandée ? Le talent et la vertu ne s’abaissent pas à solliciter ; ce sont deux belles femmes qui cèdent quelquefois, mais ne s’offrent jamais : elles croient valoir la peine qu’on les recherche. Eh ! quel dévoûment peut-on attendre d’un fonctionnaire qui a eu recours à d’indignes moyens pour se procurer un emploi ? Qui voudra mériter de l’avancement par de longs et pénibles services, quand il pourra en obtenir par de basses intrigues ?

Je voudrais encore, si j’étais les électeurs, qu’un député qui a