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LETTRES AU SYSTÈME.

forfait à son mandat pût en être dépouillé, et que la chambre, sur une réclamation motivée et signée par le plus grand nombre des membres du collège électoral, examinât s’il y a lieu à une réélection. Pourquoi cela ne se ferait-il pas ? Ce principe de réélection est déjà écrit dans la loi. Un transfuge, par exemple, a-t’il plus de droits à l’inamovibilité que le fonctionnaire qu’on rétribue ? Le député qui a changé de principes n’est plus celui qui a été élu : c’est bien encore la même effigie ; mais ce n’est plus le même cœur ni la même voix. Il a beau dire qu’il est de bonne foi, qu’il a changé de principes parce qu’il a changé de conviction, le collège électoral, lui, n’a point changé de conviction, et ce sont ses opinions et non celles des députés qui doivent être proclamées. S’il en était autrement, le gouvernement représentatif ne serait qu’un vain mot ; la constitution, au lieu d’être l’expression de la volonté générale, ne serait que l’expression de la volonté de 459 individus. Nous aurions pour maîtres 459 petits despotes ; seulement ces despotes seraient élus.

Voilà donc ce que je voudrais, si j’étais les électeurs. Mais, comment attendre de vous, Monseigneur, la réforme des abus que je viens de signaler ? Vous êtes trop positif, trop intérêt matériel, vous connaissez trop bien la valeur d’une perception et d’une justice de paix pour vous permettre une telle débauche de générosité. Peu vous importe que les députés s’emparent, pour eux ou pour leur famille, des gros emplois, pourvu qu’ils vous abandonnent les petits : les valets applaudissent toujours aux orgies des maîtres, quand ceux-ci laissent du vin dans les bouteilles.

Encore, si les emplois étaient votre seule liste civile, petit roi ! mais il n’est point parmi vous de nullité si complète que la protection ne parvienne à en soulever la lourde masse. Dans toutes les carrières, vous nous faites obstacle. Vous êtes déjà à la fin que nous sommes à peine au milieu. Vous n’avez point de commencement. Vous êtes des fleuves qui portent bateau dès leur source. Insatiables comme la prodigalité, vous êtes soigneux de conserver comme l’avarice. Vous mangez sans faire de miettes ; d’une main