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LETTRES AU SYSTÈME.

a point dépouillés. Voudriez-vous être plus délicat que Jésus-Christ, qui les laissait approcher de lui, les touchait et les guérissait ? C’est déjà beaucoup, dans leur position, qu’ils ne soient pas des voleurs. Puis quand vous auriez un mendiant sur deux ou trois cents électeurs, est-ce bien cela qui pourrait vicier l’élection ? Y a-t-il un sac de farine, si blanche et si pure qu’elle soit, où il ne se trouve quelques grains d’ivraie ?

Je ne vois qu’une exception admissible ; c’est relativement à nos jeunes concitoyens qui sont sous les drapeaux. Mais ici, il y a une nécessité absolue ; les soldats sont trop assujettis à leurs officiers qui ont le droit de les trouver en faute quand il leur plaît, et de les faire passer en prison la moitié de leur temps de service, pour offrir des garanties d’indépendance suffisante. Puis, comment une armée en campagne pourrait-elle s’occuper d’élections ?

Mais, direz-vous, le suffrage universel, comment le recueillera-t-on ? N’y a-t-il point ici une impossibilité physique devant laquelle la bonne volonté la plus déterminée doit reculer ? Avec l’élection à deux degrés, le suffrage universel serait facile à mettre en pratique. Le comité Barrot a reconnu les avantages nombreux que présenterait ce dernier mode d’élection ; mais il aurait, dit-il, l’inconvénient de ne pas exciter, par un intérêt assez puissant, les passions politiques des assemblées primaires. Les raisons du comité ne me paraissent pas suffisantes. Ce n’est pas pour les hommes, mais pour les choses, que les assemblées primaires doivent se passionner. L’électeur au second degré étant l’opinion vivante de ceux qui l’ont choisi, les assemblées primaires seront bien sûres que le député qui ne sera lui-même qu’une copie de l’électeur, sera l’expression exacte de leurs opinions. Elles devront s’intéresser aussi vivement à la nomination des électeurs qui les représenteront, qu’à celle du député lui-même.

Si, d’ailleurs, l’élection à deux degrés était rejetée, je ne vois pas d’incompatibilité d’exécution entre le suffrage universel et l’élection directe. Serait-il donc impossible de diviser, comme cela se