Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/15

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para de loin et le forma ; mais qui peut suivre la nature dans sa marche ? il y a sans doute une chaîne des pensées des hommes depuis l’origine du monde jusqu’à nous ; chaîne qui n’est ni moins mystérieuse ni moins grande que celle des êtres physiques. Les siècles ont influé sur les siècles, les nations sur les nations, les vérités sur les erreurs, les erreurs sur les vérités. Tout se tient dans l’univers ; mais qui pourroit tracer la ligne ? On peut du moins entrevoir ce rapport général ; on peut dire que, sans cette foule d’erreurs qui ont inondé le monde, Descartes peut-être n’eût point trouvé la route de la vérité. Ainsi chaque philosophe en s’égarant avançoit le terme. Mais, laissant là les temps trop reculés, je veux chercher dans le siècle même de Descartes, ou dans ceux qui ont immédiatement précédé sa naissance, tout ce qui a pu servir à le former en influant sur son génie.

Et d’abord j’aperçois dans l’univers une espèce de fermentation générale. La nature semble être dans un de ces moments où elle fait les plus grands efforts : tout s’agite ; on veut partout remuer les anciennes bornes, on veut étendre la sphère humaine. Vasco de Gama découvre les Indes, Colomb découvre l’Amérique, Cortès et Pizarre subjuguent des contrées immenses et nouvelles, Magellan cherche les terres australes, Drake fait le tour du monde. L’esprit des découvertes anime