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94 FRANÇOIS VILLON

tous les manieurs d'argent comme les remous de cette époque mouvementée en avaient fait surgir. C'est, dit-il, « un pamphlet contre les riches '. » Non, mais un pam- phlet contre certains riches et, ce qui en diminue singuliè- rement l'importance et le ramènerait à une simple facétie, c'est que les riches qui n'ont pas l'heur de lui plaire, sont justement ceux-là qui n'ont pas répondu, a son gré, à ses demandes d'argent. Vivant dans le milieu des clercsdu Tré- sor qui l'employaient, sans doute d'une façon intermittente, à des travaux d'écritures, Villon avait vu de près l'argent alors qu'il n'en avait pas, et il en a ressenti d'autant plus cruellement le manque qu'il avait un tempérament de jouisseur, et que ses désirs étaient sans cesse avivés par la fréquentation de ces « gracieux galans ^ » qui dépensaient sans compter et qu'il ne pouvait imiter qu'en leur faisant des emprunts de temps à autre, ou — chose plus grave — qu'en « corrigeant » la fortune. Tout d'abord, son esprit et sa « gentillesse » avaient opéré ce miracle de faire s'ou- vrir leurs bourses devant lui; mais ses demandes, devenues trop fréquentes ', avaient fini par lui attirer des refus de ces riches fils de famille, influencés qu'ils étaient souvent par l'hostilité de leurs maîtresses ou de leurs femmes envers ce poète spirituel assurément, mais besoigneux tou- jours : telle cette Jehanne de Millières'*, l'amie de Robert Vallée, celui-ci aussi sot que fortuné ; ou que cette Jehan- nette Cochereau, bourgeoise rangée, l'épouse de maître

1. Réd. et Notes, p. 143.

2. Test., 22s.

3. Villon a l'air d'en convenir implicitement quand il écrit :

On ne doit trop prendre des siens Et ses amis trop surquerir.

(Lais, 135-136-)

4. Lais, 104,

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