Page:Œuvres de François Villon Thuasne 1923.djvu/119

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rait toutefois, comme l’observe G. Paris, non sans quelque malice, que « ce beau zèle » de Nisard ait eu un stimulant sans lequel « il se serait peut-être moins étalé »[1] ; c’était de maintenir intacte l’autorité de Boileau. Quoi qu’il en soit, presque rien n’a vieilli dans ce jugement de Nisard qui date de plus de trois quarts de siècle, et où il parle le langage de la postérité.

Visiblement agacé par l’exagération qui caractérise d’ordinaire les remarques de Campaux dans sa thèse sur Villon[2] dont il avait à rendre compte, Sainte-Beuve se fait comme une joie maligne de prendre le contre-pied des appréciations trop souvent puériles de ce dernier ; et il se plaît à tempérer ses enthousiasmes comme à narguer ses indignations, pour conclure assez prosaïquement que « Villon but avec plaisir jusqu’à la lie le vin dont il s’enivrait[3]. » On pourra regretter toutefois qu’en cette circonstance Sainte-Beuve, poète à ses heures, et si habile, au demeurant, à discerner les nuances complexes du style d’un écrivain et si perspicace à analyser les replis secrets de son âme, n’ait donné qu’une attention médiocre et superficielle à l’œuvre de Villon comme s’il ne voyait guère déplus en lui qu’un « bon folastre », tel que s’était dépeint l’écolier parisien François. Il était réservé à Anatole de Montaiglon de porter sur Villon un jugement qu’on peut considérer comme définitif : « On ne dira jamais à quel point le mérite de la pensée et de la forme y est inestimable… La bouffonnerie, dans ses vers, se mêle à la gravité, l’émotion à la raillerie, la tristesse à la débauche ; le trait piquant se termine avec mélancolie ; le sentiment du

  1. François Villon, p. 178.
  2. Antoine Campaux, François Villon, sa vie, ses œuvres, Paris, 1859, in-8o.
  3. Causeries du lundi, 1858 (t. XIV), p. 278-302.