Page:Œuvres de François Villon Thuasne 1923.djvu/118

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c’est Villon… Villon innove dans les idées et dans la forme. Il n’imite pas le Roman de la Rose, il laisse ces froides allégories et ce savoir indigeste… Novateur dans les idées, Villon ne l’est pas moins dans la forme : l’un emporte l’autre. On rencontre dans ce poète des expressions vives, pittoresques, trouvées ; un style en apparence plus difficile à comprendre, à la première lecture, que celui de Charles d’Orléans, mais plus vrai, plus senti, plus français… Villon écrit le français du peuple de Paris, il tire sa langue du cœur même de la nation… Ce qui fait goûter les poésies de Villon, c’est cette gaîté mélancolique, la plus pure source de poésie peut-être, parce qu’elle est la disposition d’esprit la plus naturelle à l’homme qui n’a été fait ni pour les joies ni pour les douleurs sans mélange… Ainsi, malgré quelques vers agréables de Charles d’Orléans, il faut laisser désormais à Villon l’honneur d’avoir marqué le progrès le plus sensible de la poésie française depuis le Roman de la Rose… Le premier il a tiré sa poésie de son cœur ; le premier, il a créé des expressions vives, originales, durables. Charles d’Orléans est le dernier poète de la société féodale ; Villon est le poète de la vraie nation laquelle commence sur les ruines de la féodalité qui finit. » Et Nisard ajoutait : « J’ai insisté sur Villon parce que son recueil offre la première image nette et populaire de notre poésie. Il en a la qualité suprême, la mesure, le goût : il sait n’exprimer de ses sentiments que ceux qui lui sont communs avec tout le monde, et garder pour lui ce qui n’est propre qu’à lui. Enfant du peuple, né dans la pauvreté… il ne laisse voir dans sa vie que ce qui la rend intéressante pour tous… Villon n’a pas su quelle destinée auraient ses vers ; mais il semble qu’il ait eu la pudeur de la gloire qui l’attendait[1]. » Il se pour-

  1. Pages 150-156-168, passim. L’édition de 1863 reproduit exactement ce texte.