Page:Œuvres de François Villon Thuasne 1923.djvu/37

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sans les quelques confidences, d’ailleurs assez rares, qu’il nous a faites à ce propos, et que viennent corroborer les témoignages posthumes d’Éloi d’Amerval[1] et de Philippe de Vignolles[1]. Les Enfans sans souci durent chômer d’autant moins que l’Université chômait davantage ; mais les traces de l’activité de Villon dans cette direction sont effacées pour nous sans qu’il soit autrement possible de les exhumer.

Les choses en étaient là quand un certain soir du jour de la Fête-Dieu, le 5 juin 1455, Villon était assis sur le banc de pierre au-dessous du cadran de l’église Saint-Benoît-le-Bientourné. Il avait à côté de lui une femme nommée Ysabeau et un prêtre nommé Gilles ; et ils devisaient après souper quand survint un autre prêtre, Philippe Sermoise accompagné d’un certain maître Jehan le Merdi. Villon se leva pour leur faire place en les priant de s’asseoir. Mais Sermoise répondit par un juron et, s’adressant à Villon : « Maistre François, fit-il, je vous ai trouvé, créés que je vous corrouceray[2] ! » Villon, sans se départir de son calme

  1. a et b Ces textes sont publiés plus loin, p. 68, n. 2.
  2. Courroucer a ici le sens de « battre, frapper, corriger d’importance ». Dans la réponse de Villon « vous courroucez vous ? » « courroucez » a le sens moderne de « vous mettez vous en colère ? » On pourrait croire que, même en ce moment, Villon se mêle d’équivoquer. Il n’en est rien. « Tu me dis villenie, et, en vérité, se je puis, je te courrouceray. » (Je te frapperai) : « Et pour ce ledit Merlin, moult dolent et courroucié des dictes paroles… » Lettres de rémission, dans Douët d’Arcq, Pièces du temps de Charles VI, t. II, p. 163 (Paris, septembre 1400). — Un certain Louis avait fait épouser à son ami Longuespée une femme dont il garantissait la parfaite moralité. « Ledit Longuespée coucha avec ladicte femme ; il trouva qu’elle n’estoit point pucelle ; si en fut moult dolent et courroucié, et congnut bien que ledit Loys l’avoit deceu. Et le lendemain le dist audit Loys, en luy disant qu’il estoit faulx et mauvais de le avoir ainsi deceu et tray, et qu’il le courrouceroit de corps. » Et de fait, Longuespée mettant sa menace à exécution, avait tué