Page:Œuvres de François Villon Thuasne 1923.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poursuivissent son meurtrier, Sermoise répondit négativement, ajoutant qu’il pardonnait à ce dernier « pour certaines causes qui a ce le mouvoient ». Le samedi suivant, Sermoise expirait à l’Hôtel-Dieu où on l’avait transporté[1]. Ce pardon du prêtre a paru étonner quelques critiques[2]. Il s’explique pourtant par ce fait qu’au xve siècle les hommes les plus corrompus, sauf de rares exceptions, avaient tous en eux un fond de religiosité vivace qui se faisait jour au moment de la mort. L’origine de la rixe était, à n’en pas douter, une affaire de femme. Sermoise, se sentant sur le point de mourir en état de péché mortel, fut certainement pris d’un « remords de conscience » ; et, en pardonnant à son meurtrier, il espérait obtenir ainsi plus facilement le pardon de Dieu qui « ne hait que persévérance » dans le péché, comme le dira Villon[3]. Où ce dernier se réfugia-t-il ?

  1. Ces détails sont fournis par les deux lettres de rémission délivrées au nom de Villon en janvier 1455 (v. st.), et publiées ci-après.
  2. Cf. Champion, t. II, p. 12.
  3. Test., 103 ; 104. — Ce sentiment de religiosité in extremis se fait jour en nombre d’exemples : en voici trois, pris au hasard ; le premier dans le monde de la noblesse, le second dans celui du clergé régulier,le troisième parmi les « compaignons » de Villon. — 1er exemple : Jean de Fieffés qui avait tout fait pour tuer Guillaume de Flavy, fut à son tour frappé à mort par les serviteurs de ce dernier et expira six ou sept Jours après : « auquel trepas ledit de Fieffes confessa, presens plusieurs personnes, que ladicte bateure il avoit bien deservie, et le pardonna aux facteurs » (novembre 1453). Lettres de rémission à Jean de Flavy, dans la Chronique de Mathieu d’Escouchy (édit. Beaucourt), t. III, p. 435. — 2e exemple. Rémission pour Claude de la Coste, métayer, marié à Marion Dorgiére qui, après avoir plusieurs fois trompé son mari avec un jeune religieux du prieuré de Bouteville près de Vienne, avait été pardonnée par son mari sur la promesse, par elle faite, qu’elle se conduirait bien à l’avenir. Claude de la Coste, ayant appris par son valet de ferme qu’un certain frère Pierre Boursier « secretain » dudit prieuré était venu chez lui pour voir sa femme qui était d’intelligence avec ledit