Page:Œuvres de François Villon Thuasne 1923.djvu/96

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sur maître Guillaume Villon, après, sur sa maîtresse, puis sur quelques amis et connaissances pris dans toutes les classes de la société parisienne, cléricale et laïque, à qui il répartit des lais (legs), des chansons, des riens facétieux. Le poème se déroule sans contrainte, selon l’association des idées et le jeu de sa fantaisie, d’ailleurs réfléchie et parfaitement consciente, quoi qu’on ait pu dire, jusqu’au moment où il entend la cloche de Sorbonne sonner l’Angelus. Il s’arrête alors pour prier, suivant l’usage, et tombe dans une rêverie enveloppante où il voit passer dans son esprit ses souvenirs d’école dont il a la tête encore toute farcie, et dont il fait malicieusement la « charge ». Il sort alors de son assoupissement, et s’apprête à reprendre le fil de ses idées ou plutôt la suite de ses lais : mais son encre est gelée (nous sommes, on l’a vu, « sur le Noel, morte saison »), son cierge soufflé, il est envahi par le froid, et s’endort sans aller plus loin, après avoir signé cette bleuette charmante de ce post-scriptum : « Fait au temps de ladite date par le bien renommé Villon. » Œuvre légère, pleine d’entrain moqueur, où la satire spirituelle va de pair avec la franche gaîté ; mais œuvre d’une portée beaucoup plus grande si on la considère au point de vue littéraire, tant elle rompt par la nouveauté de la forme sinon par le fond (le poète se faisant le centre et le milieu de son œuvre) avec tout ce qui avait été fait jusqu’alors, première ébauche du chef-d’œuvre qu’elle laissait pressentir.

Le Testament (1461). — Cinq ans se sont écoulés depuis le Lais : Villon, mûri par le malheur, malade et ayant le pressentiment de sa fin prochaine, a hâte d’exprimer le trop-plein d’impressions et de sentiments qu’il porte en lui. L’idée, vraiment sérieuse cette fois, d’un testament lui revient à l’esprit : « Qui meurt à ses hoirs doit tout