Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome second, 1750.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
209
T r a g é d i e.

C’eſt aux yeux du Sénat, aux miens, qu’une Romaine,
Au mépris des devoirs où ſon ſexe l’enchaîne,
Sous un déguiſement fait pour de vils humains,
S’en va deſhonorer le premier des Romains,
De ſes folles erreurs le rendre la victime,
Sans daigner ſeulement s’éclaircir de ſon crime !
Et lorſque tout conſpire à me juſtifier,
Sa jalouſe fureur veut me ſacrifier !
Eh quel étoit le but où ma valeur aſpire ?
Pour qui voulois-je ici conquérir un empire ?
Eſt-ce pour Cicéron, l’objet de mon courroux,
Lui que je voudrois voir expirer ſous mes coups ?
Non, c’eſt pour une ingrate à qui je ſacrifie
Ma gloire, mon devoir, & le ſoin de ma vie.

F U L V I E.

Pourſuis, Catilina, le reproche ſied bien
A des cœurs innocens & purs comme le tien ;
Mais dans l’art de tromper, ta ſcience ſuprême,
Tu m’en as trop appris pour me tromper moi-même.
Va, ceſſes d’éclater ſur mon déguiſement,
Tout, juſqu’à ton courroux, eſt faux en ce moment.
Égorges Cicéron aux yeux de ſa famille,
Je ne t’en croirai pas moins épris de ſa fille :
Ce n’eſt pas d’aujourd’hui que tu ſais allier
La vertu, les forfaits, l’amant, le meurtrier ;

Tome II.
Dd