Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome second, 1750.djvu/256

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Mais je n’imite pas les fureurs de Caton,
Et je laiſſe la peur au ſein de Cicéron.
Je n’aurais pour punir votre coupable audace
Qu’à vous abandonner au coup qui vous menace ;
Sans m’armer contre vous d’un ſecours étranger,
Me taire encore un jour ſuffit pour me venger.
Et vous me condamnez, inſensés que vous êtes,
Moi qui retiens le fer ſuspendu ſur vos têtes ;
Moi qui, ſans me charger d’un projet odieux,
N’ai qu’à laiſſer agir Manlius et les dieux ;
Moi qui, pouvant me mettre à couvert de l’orage,
M’expoſe pour ſauver un conſul qui m’outrage !
montrant Cicéron.
J’ai cauſé par malheur votre premier effroi ;
Et dans tous les complots vous ne voyez que moi ;
Il en eſt cependant dont vous devez tout craindre.
Que vous êtes aveugle, et que Rome eſt à plaindre !
Laiſſons là Manlius, conſul peu vigilant,
Tandis que Rome touche à ſon dernier inſtant,
Qu’au plus affreux danger le ſénat eſt en proie,
Qu’on va faire de Rome une ſeconde Troie !
Lorſque vous ne ſongez qu’à me faire périr,
Ingrats, ſur vos malheurs je me ſens attendrir :
Je ſens en ce moment l’amour de la patrie
Reprendre dans mon cœur une nouvelle vie ;
Et votre aveuglement me fait trop de pitié,