Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome second, 1750.djvu/403

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pas la même perſonne, & il eſt ſouvent plus aiſé d’être dédommagés que conſolés ; d’ailleurs, l’eſtime, l’amitié & la reconnoiſſance perdroient trop de leurs plus belles fonctions, ſi l’on pouvoit oublier les morts : un ſouvenir durable eſt le plus digne monument que nous puiſſions ériger aux Hommes vertueux ; & que ne devons-nous point à la mémoire de M. l’Abbé Rothelin ? Ce fut un des plus grands ſujets que l’Académie ait jamais eu ; recommandable par ſa naiſſance, par ſon attachement à ſes devoirs, par ſes liaiſons, par ſes mœurs ; l’eſprit orné, mais naturel, & qui ne connut jamais d’autre art que celui de dire ſon avis, ſans humilier celui des autres.

Critique ſage, profond & poli ; mais ferme lorſqu’il s’agiſſoit de ſacrifier ces endroits défectueux que les Auteurs, ſoit dégoût, ſoit pareſſe ou vanité ſi l’on veut, cherchent toujours à juſtifier ; ce ſeroit peu de dire qu’il aima les Lettres, il les protégea, & pluſieurs d’entre ceux qui les cultivent, ne le déſavoueront point pour protecteur, ni même pour bienfaiteur : magnifique, libéral, il ne lui manqua, pour être un ſecond Mécène, que les tréſors du favori d’Auguſte ; mais s’il ne les eut pas dans les mains, il les eut dans le cœur. L’air de dignité qui donne du relief aux plus grandes vertus, ou qui ſert du moins à les faire reſpecter, la décence qui les décore, ſi elle ne les ſuppose pas toujours, regnoit dans les moindres actions de M. l’Abbé Rothelin, non comme des ornemens empruntés pour parer les dehors,