Page:Œuvres de Robespierre.djvu/357

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et dont la solution n’est pas même facile. Par exemple, au moment où j’écris, on regarderait comme un homme très-habile, celui qui pourrait dire, avec certitude, si M. La Fayette est enfin retourné à Maubeuge, ou si c’est Paris qui le recèle.

» Cette nouvelle méthode de faire la guerre a sans doute de grands avantages, ne fût-ce que celui de conserver le général, sinon à l’armée, du moins à la nation. Comment le battre ou le faire prisonnier, s’il n’est pas même possible de le découvrir ?

» Au reste, qu’on examine bien ce système, il est beaucoup moins extraordinaire qu’on ne pourrait le croire, au premier coup d’œil. Il est très-approprié à la nature et aux motifs de la guerre actuelle. Jamais guerre n’exigea plus d’entrevues secrètes, plus d’entretiens intimes, plus de confidences mystérieuses ; or, tout cela suppose des voyages, et oblige nécessairement le général à faire plus d’usage de chevaux de poste que de chevaux de bataille.

» Ce n’est plus un secret aujourd’hui pour personne, que le but de la guerre n’est point de détrôner la maison d’Autriche, en Brabant ; mais de rétablir son empire en France. Ce n’est point Bruxelles qu’on veut affranchir, c’est Paris que l’on veut réduire ; il s’agit non de dompter les factieux de Coblentz, mais de châtier les factieux de l’Assemblée nationale et de la capitale. Le roi de Prusse et le roi de Hongrie, comme on sait, sont bien moins à craindre pour la France que les municipaux et les sociétés des amis de la constitution : Léopold et La Fayette nous l’ont hautement déclaré. Il faut épargner Coblentz, évacuer Courtrai, et préparer le siège du couvent des Jacobins. Le véritable théâtre de la guerre n’est donc point la Belgique, c’est Paris. Le véritable quartier-général n’est pas au camp retranché de Maubeuge ; il est dans le palais des Tuileries. Le conseil de guerre, c’est le comité autrichien. À quoi servent ici la valeur et les talents militaires ? Il n’est question que de stratagèmes politiques. M. La Fayette a donc moins besoin de conférer avec des officiers expérimentés qu’avec les intrigans habiles. Au camp, il peut être facilement remplacé ; mais au conseil secret, comment pourrait-on se passer de sa présence ?

» Eh ! d’ailleurs, pourquoi les Autrichiens lui donneraient-ils quelque inquiétude pendant son absence ? Est-il en guerre avec eux ? Que dis-je ? Ne sont-ils pas alliés ? Ne sont-ils pas ligués avec lui pour rétablir en France le bon ordre, pour anéantir le règne des clubs et rétablir celui de la loi ?… »