Page:Œuvres de Spinoza, trad. Appuhn, tome I.djvu/557

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une certaine place dans l’entendement divin (cf. Ethique, II, Prop. 9) ; c’est pourquoi dans la mesure où nous parvenons à connaître clairement la nécessité par laquelle nous sommes tels et tels, nous connaissons aussi notre véritable essence et y trouvons le principe de notre existence.

J’ai cité plus haut le livre de Camerer ; j’ajouterai que les auteurs français où l’on trouvera le plus de lumières sur ce point capital du spinozisme me semblent être MM. Delbos, le Problème moral dans la philosophie de Spinoza (p. 35 et suiv.), et Rivaud, les Notions d’essence et d’existence dans la philosophie de Spinoza.

§§ 58 et 59. Au sujet de ces paragraphes voir la Notice sur le Traité de la Réforme de l’Entendement (p. 211) ; pour ce qui concerne le rôle attribué à l’expérience dans la recherche scientifique voir en particulier Principes de la Philosophie de Descartes (partie II, Prop. 6. scolie) : opposant sa façon de réfuter les arguments de Zénon d’Elée à celle de Diogène, Spinoza, à la fin de scolie. indique assez nettement en quoi les sens et l’expérience contribuent à l’acquisition de la connaissance.

§ 60. Ce paragraphe contient un passage qui a été interprété fort diversement ; je dois en conséquence mettre le lecteur en mesure de se faire une opinion.

Spinoza commence par rappeler la régie posée à la fin du paragraphe 38 ; quand une pensée est fausse, la fausseté s’en découvre si Ion en déduit dans l’ordre juste ce qui doit s’en déduire : si elle est vraie, des idées vraies s’en déduiront sans interruption. Cela, poursuit-il, est requis pour notre objet : puis vient la phrase que j’ai cru devoir corriger en ajoutant au texte une négation : nequeunt.

Il ne me paraît guère possible, en effet, de s’en tenir à la leçon de l’édition Van Vloten et Land qui est celle des Opera posthuma (1677) : Spinoza continuerait ainsi : par aucun principe en effet nos pensés ne peuvent être délimitées (ou déterminées) ; nam ex nullo fundamento cogitationes nostræ terminari queunt.

M. Couchoud. à la vérité, dans son livre sur Spinoza, propose (p. 49) une interprétation de ce texte : « Car, un point de départ quelconque une fois posé, dit-il, l’entendement ne peut plus être arrêté ». Je partage assez l’opinion de M. Couchoud touchant le sens du mot fundamentum dans ce passage, mais je ne crois pas qu’on puisse traduire terminari comme il le fait et je conçois mal qu’après avoir rappelé le principe énoncé au paragraphe 38 Spinoza ait cru devoir ajouter : cela, dis-je, est requis pour notre objet, car d’aucun point de départ nos pensées ne peuvent être arrêtées.