Page:Œuvres de Spinoza, trad. Appuhn, tome I.djvu/556

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§§ 51 à 53. Rapprocher ce qui est dit de la définition dans le Court Trailé (I, chap. vii).

§ 55. Les mots eu égard à l’esprit, quoad mentem, me semblent devoir s’interpréter comme il suit : les deux premières conditions énoncées concernent plutôt la chose définie ; la troisième est relative à l’esprit qui définit ; il faut, en définissant la chose incréée, prendre garde à ne pas confondre ses propriétés (propria) avec ses véritables attributs par lesquels nous la connaissons en elle-même (cf. Court Traité, I, chap. i, note 4, et surtout chap. ii, §§ 28 et 29).

§ 57. La phrase : car l’existence de ces choses n’a aucune connexion avec leur essence, semble donner raison d’abord à Camerer qui, dans son livre Die Lehre Spinoza’s (Stuttgart, 1871), a soutenu qu’entre la détermination de l’être par les causes extérieures et la détermination par l’essence il y a hétérogénéité radicale ; si cependant l’existence n’a point de rapport avec l’essence il est clair que toute tentative pour substituer à une détermination imposée du dehors une détermination intérieure doit échouer. Sans entreprendre ici de traiter à fond ce grave problème, je ferai les deux observations suivantes :

1° L’existence d’une chose, en tant qu’on la considère comme dépendant d’un concours de circonstances n’ayant avec l’essence de ces choses aucun lien intelligible, ne peut nous être connue que par l’expérience ; autrement dit elle est conçue seulement comme possible (voir la note relative au paragraphe 34, b), n’est ni une vérité ni même une réalité. Pour qu’elle devînt une vérité, il faudrait qu’elle fût expliquée et cette explication elle-même n’est possible qu’en ayant égard à l’essence de la chose supposée existante ; car si cette essence considérée à part (per se absque aliis) ne fonde pas à elle seule l’existence (si elle pouvait le faire, chaque individu serait Dieu pleinement et non Deus quatemus), encore la fonde-t-elle au moins dans une certaine mesure et, l’on peut ajouter, dans une mesure d’autant plus grande qu’elle est plus parfaite. Je l’appelle ici qu’au paragraphe 23 Spinoza nous dit : la connaissance claire des accidents suppose celle des essences et qu’au paragraphe 22 il avait dit : nous ne pouvons connaître l’existence singulière d’une chose que si l’essence nous en est connue ;

2° L’essence d’une chose imparfaite enveloppe elle-même sa détermination par des causes extérieures ; il est de la nature d’une telle chose de ne pas exister par elle-même et d’être déterminée à être par d’autres choses, d’occuper ainsi une certaine place dans la suite infinie des modes comme son idée occupe