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TRAITÉ

signes n’avaient d’autre objet que de persuader le prophète, il s’ensuit que ces signes ont dû être proportionnés aux opinions et à la capacité de chacun ; de telle sorte qu’un signe qui avait rendu tel prophète parfaitement certain de sa prophétie aurait laissé dans l’incertitude tel autre prophète imbu d’opinions différentes ; et de là vient qu’il y avait pour chaque prophète un signe particulier. Il en était de même de la révélation, qui variait pour chaque prophète suivant la disposition de son tempérament, de son imagination, et suivant les opinions qu’il avait embrassées. Quant au tempérament, si le prophète était d’une humeur gaie, il ne lui était révélé que victoires, paix et tout ce qui porte les hommes à la joie, les tempéraments de cette sorte n’imaginant le plus souvent que des choses semblables. Si le prophète était triste, il prédisait des guerres, des supplices et toutes sortes de malheurs ; et de cette façon, suivant que le prophète était d’humeur douce, irritable, sévère, miséricordieuse, etc., il était plus propre à telle ou telle espèce de révélation. Les dispositions de l’imagination étaient encore une cause de variété dans les prophètes. Si le prophète avait l’imagination belle, c’est en beau style qu’il communiquait avec l’âme de Dieu ; s’il l’avait confuse, c’était en confuses paroles, et de même pour le genre d’images qui lui apparaissaient. Le prophète était-il un homme des champs, c’étaient des bœufs, des vaches, etc. ; homme de guerre, c’étaient des généraux, des armées ; homme de cour, des trônes et des objets analogues. Enfin, la prophétie variait suivant les opinions des prophètes. Aux mages, qui croyaient aux rêveries de l’astrologie (voyez Matthieu, chap. ii), la nativité du Christ fut révélée par l’image d’une étoile qui apparaissait dans l’Orient. Aux augures de Nabuchodonozor (voyez Ézéchiel, chap. xxi, vers. 26), ce fut dans les entrailles des victimes que leur fut révélée la dévastation de Jérusalem, que ce roi connut aussi par les oracles et la direction des flèches qu’il jeta en l’air au-dessus de sa