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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

pice à tous les hommes, et tous les hommes ayant également reçu la loi et également péché, Dieu a envoyé son Christ pour tous les hommes, afin de les délivrer tous de la servitude de la loi, et de leur faire pratiquer le bien désormais, non par l’ordre de la loi, mais par une résolution inébranlable de leur âme.

La doctrine de Paul s’accorde donc ici à merveille avec la nôtre ; et lorsqu’il dit que les Juifs seuls ont eu le dépôt des paroles de Dieu, ou bien il faut entendre que ces paroles de Dieu n’avaient été écrites que chez les Juifs, les autres nations ne les ayant connues que mentalement et par une révélation tout intérieure ; ou bien que Paul, qui n’a d’autre objet en cette rencontre que de repousser les objections des Juifs, se met à leur portée et s’accommode aux opinions du temps : fidèle à l’habitude qu’il avait prise, en parlant des choses qu’il avait vues et entendues, d’être Grec avec les Grecs et Juif avec les Juifs.

Il ne nous reste plus qu’à répondre à quelques autres raisons que donnent les pharisiens pour se persuader à eux-mêmes que l’élection des Juifs n’a pas été temporaire et relative à l’établissement de leur empire, mais éternelle. Nous voyons les Juifs, disent-ils, dispersés depuis la ruine de leur empire en mille endroits divers, et pendant tant de siècles rejetés des autres nations, se maintenir et durer encore, ce qui n’est jamais arrivé à aucun peuple ; et de plus, l’Écriture sainte nous apprend en plusieurs endroits que Dieu a fait du peuple juif son peuple élu pour toute l’éternité, d’où il résulte que malgré la destruction de son empire il reste le peuple de Dieu. Voici les passages qui témoignent le plus clairement, à leur sens, de cette élection éternelle : 1° Jérémie (chap. i, vers. 36) déclare que la race d’Israël restera éternellement le peuple de Dieu, et il compare cette élection divine à l’ordre des cieux et de toute la nature ; 2° Ézéchiel (chap. xx, vers. 32) semble assurer qu’alors même que les Juifs renonceraient au culte du Seigneur, Dieu ne