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TRAITÉ

laissera pas de les tirer de toutes les régions où ils seront dispersés pour les conduire au désert des peuples, comme il conduisit leurs pères aux déserts d’Égypte ; et que, ensuite, après les avoir séparés des rebelles et des faibles, il les fera monter sur la montagne de sa sainteté, où toute la maison d’Israël le servira. Outre ces deux passages, les pharisiens en produisent encore quelques autres du même genre ; mais je croirai avoir suffisamment répondu à tous si j’explique les deux que je viens de citer, ce qui ne sera pas fort difficile. Il est clair en effet, par l’Écriture elle-même, que Dieu avait élu les Hébreux, non pour toujours, mais aux mêmes conditions qu’il avait fait auparavant les Chananéens, lesquels avaient aussi leurs pontifes, comme nous l’avons montré plus haut, et rendaient à Dieu un hommage religieux ; mais Dieu les rejeta dès qu’ils se furent plongés dans le luxe, les délices et l’idolâtrie. C’est pour cela que Moïse avertit son peuple de ne point se souiller d’incestes, comme avaient fait les Chananéens, de peur que la terre ne les vomît, comme elle avait vomi les nations qui habitaient jadis ces contrées. Dans un autre endroit il les menace dans les termes les plus exprès d’une ruine totale (Deutéron., chap. xviii, vers. 19, 20) : « Je vous proteste aujourd’hui que vous périrez comme les nations que Dieu fait périr devant vous. » On trouve ainsi dans la loi une foule de passages analogues qui marquent évidemment que l’élection des Hébreux n’avait rien d’absolu ni d’éternel. Si donc les prophètes leur ont prédit une alliance nouvelle et éternelle, alliance d’amour, de connaissance et de grâce, il est facile de se convaincre qu’elle ne regarde que les justes ; car nous avons vu dans le chapitre d’Ézéchiel cité plus haut que Dieu séparera d’avec les justes les faibles et les rebelles ; et Tséphonias dit formellement (chap. iii, vers. 12 et 13) que Dieu détruira les superbes et sauvera les pauvres ; et comme cette élection des pauvres est le prix de la vertu véritable, il n’y a aucune raison de croire qu’elle soit