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TRAITÉ

et la promesse du royaume céleste pour quiconque s’y conformera. Quant aux cérémonies, aussitôt que l’Évangile commença à être prêché parmi les nations dont l’état politique n’était pas celui des Juifs, les apôtres y renoncèrent ; et si les pharisiens, après la chute de l’empire, continuèrent à les célébrer, au moins en partie, ce fut moins pour plaire à Dieu que pour faire acte d’opposition contre les chrétiens. Voyez en effet ce qui arriva après la première destruction de Jérusalem, lors de la captivité de Babylone. Les Juifs, n’étant pas alors, que je sache, divisés en plusieurs sectes, négligèrent incontinent les cérémonies. Bien plus, ils dirent adieu à toute la loi de Moïse, et, laissant tomber dans l’oubli la législation de leur patrie comme entièrement superflue, ils commencèrent à se mêler avec le reste des nations. Tout cela résulte clairement des livres d’Hesdras et de Néhémias : il faut donc conclure que les Juifs ne sont pas plus tenus d’obéir à la loi de Moïse après la dissolution de leur empire, qu’ils ne l’étaient avant son établissement. Nous voyons en effet qu’avant la sortie d’Égypte, tandis qu’ils vivaient au sein des nations étrangères, ils n’avaient aucune législation qui leur fût propre, et ne se soumettaient à aucun autre droit qu’au droit naturel, et aussi sans doute au droit de l’empire où ils vivaient, en tant qu’il n’était pas contraire au droit naturel. Les patriarches, il est vrai, ont offert à Dieu des sacrifices ; mais ç’a été uniquement pour s’exciter davantage à la dévotion, accoutumés qu’ils étaient aux sacrifices depuis leur enfance : on sait en effet qu’à partir du temps d’Énos les hommes avaient pris l’habitude d’offrir des sacrifices, comme un moyen d’entretenir dans leur âme des sentiments de piété. Si donc les patriarches ont fait comme tout le monde, ce n’est point en vertu d’un ordre particulier de Dieu, mais par l’inspiration de cette loi divine qui est commune à tous les hommes, et pour se conformer aux habitudes religieuses du temps ; et s’ils ont obéi, en agissant de la sorte, à quelque pouvoir, ce ne peut