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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

deux passages d’Isaïe que, pour prix d’une vie libre et charitable, il promet dans ce monde la santé de l’âme et du corps, et dans l’autre la gloire de Dieu ; tandis qu’il ne propose d’autre récompense, pour l’exactitude aux cérémonies, que la sécurité et la prospérité de l’État et la félicité corporelle. Dans les psaumes xv et xxiv, pourquoi n’est-il fait aucune mention des cérémonies, pourquoi n’y trouve-t-on que des prescriptions morales ? c’est qu’il ne s’agit là que de la béatitude, bien qu’elle soit annoncée sous la forme de parabole. La montagne de Dieu en effet, les tentes qui y sont dressées et le séjour qu’on y promet, tout cela, il ne faut pas en douter, figure la béatitude et la tranquillité de l’âme, et ne peut indiquer en aucune façon ni la montagne de Jérusalem ni le tabernacle de Moïse, ces deux lieux n’étant habités par personne, et les lévites seuls ayant le privilège de les administrer. Il faut entendre dans le même sens toutes ces sentences de Salomon que j’ai citées dans le chapitre qui précède, et qui ne promettent la vraie béatitude qu’à ceux qui cultivent la sagesse. Comprendre, en effet, la crainte de Dieu, et trouver la science de Dieu, qu’est-ce autre chose que la béatitude ?

Pour prouver maintenant que les Hébreux ne sont plus tenus, après la destruction de leur empire, à pratiquer les cérémonies, il me suffira de citer ce passage de Jérémie où, prédisant la prochaine destruction de Jérusalem, il s’exprime en ces termes : « Dieu n’accorde son amour qu’à ceux qui savent et qui comprennent que c’est lui qui exerce dans ce monde la miséricorde et la justice ; et nul ne sera digne de louange à l’avenir s’il ignore ces choses » (voyez chap. ix, vers. 23). Ce qui revient à dire qu’après la destruction de Jérusalem, Dieu n’exige plus des Juifs aucun culte particulier, et ne leur demande que de pratiquer la loi naturelle imposée à tous les humains. Le Nouveau Testament confirme pleinement cette interprétation, et il ne contient que des préceptes de morale