Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/189

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
121
THÉOLOGICO-POLITIQUE.

aura un jour unique, connu du Seigneur seul, (qui ne sera) ni jour ni nuit ; mais sur le soir la lumière paraîtra. » Ces paroles ont l’air de prédire un grand miracle, et cependant le prophète ne veut rien dire autre chose, sinon que le succès du combat sera tout le jour incertain, que Dieu seul en connaît l’événement, et qu’enfin les Hébreux, vers le soir, seront vainqueurs. C’est avec des formes de style semblables que les prophètes prédisaient d’ordinaire les victoires et les revers des nations. Entendons Isaïe dépeignant la ruine de Babylone (chap. xiii) : « Les étoiles et les astres du ciel ne feront plus briller leur lumière ; le soleil s’obscurcira à son lever, et la lune ne répandra plus ses clartés. » Or je ne suppose pas que personne s’imagine que tout cela est arrivé à l’époque de la dévastation de l’empire babylonien ; pas plus que ce qu’ajoute le prophète : « C’est pourquoi je ferai trembler les cieux, et la terre sera ôtée de sa place. » Isaïe emploie encore le même langage (chap. xlviii, derniers vers.), quand il prédit aux Juifs qu’ils reviendront à Babylone sans que leur sûreté soit troublée, et sans souffrir de la soif pendant le chemin : « Et ils n’ont point eu soif », dit-il ; « il les a conduits à travers les déserts, et il leur a fait couler l’eau du rocher ; il a fendu le rocher, et les eaux se sont répandues. » Ce qui signifie tout simplement que les Juifs trouveront dans le désert des sources pour étancher leur soif ; puisqu’il est certain qu’au retour des Juifs de Babylone, autorisé par Cyrus, il ne se produisit aucun miracle de cette sorte. On rencontre ainsi dans l’Écriture une foule de miracles apparents qui ne sont au fond que des figures hébraïques ; et il n’est certes pas nécessaire que je les cite ici l’un après l’autre ; qu’il me suffise de montrer que ces figures n’ont pas seulement pour objet d’orner le récit, mais qu’elles servent principalement à lui donner un caractère religieux. C’est pour cela qu’on trouve dans l’Écriture sainte bénir Dieu pris dans le sens de maudire (Rois, liv.  I, chap. xxi, vers. 10 ; Job, chap. ii, vers. 9) ; c’est encore pour cela qu’elle rapporte