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TRAITÉ

tout à Dieu, de façon qu’elle a toujours l’air de raconter des miracles, même quand elle parle des événements les plus naturels, comme on peut le voir par plusieurs exemples que j’ai cités. Ainsi, quand l’Écriture dit que Dieu avait endurci le cœur de Pharaon, cela signifie tout simplement que Pharaon avait le caractère opiniâtre. Et quand elle dit que Dieu a ouvert les fenêtres du ciel, il faut entendre qu’il a beaucoup plu, et ainsi pour tout le reste. Si donc on veut bien se rendre attentif à toutes ces choses et considérer en outre que l’Écriture sainte contient beaucoup de récits où les faits sont exposés rapidement, sans aucune de leurs circonstances, et en quelque sorte dans un état de mutilation, on ne trouvera presque rien dans les livres sacrés qui soit essentiellement contraire à la lumière naturelle, et une foule de choses qui avaient paru jusque-là très-obscures se feront comprendre et interpréter sans effort.

Je crois avoir atteint l’objet que je m’étais proposé dans ce chapitre. Mais, avant de le terminer, j’ai une observation à faire : c’est que la méthode que je viens d’appliquer aux miracles n’est pas la même que celle dont je me suis servi pour les prophètes. Je n’ai rien affirmé touchant les prophéties que je ne fusse en état de le déduire des saintes Écritures. Ici, au contraire, j’ai pris pour base les principes qui nous sont fournis par la lumière naturelle, et c’est avec intention que j’ai procédé de la sorte. La matière de la prophétie étant en effet au-dessus de la portée humaine, et tombant dans le domaine des questions de pure théologie, je ne pouvais rien affirmer sur cette matière, ni même savoir en quoi elle consiste, sans m’appuyer sur la révélation. J’ai donc été obligé de tracer une histoire de la prophétie et d’en déduire quelques principes capables de m’éclairer autant qu’il est possible sur la nature de la prophétie et sur ses propriétés. Mais quant aux miracles, comme il s’agit de savoir s’il peut arriver dans la nature quelque chose qui soit contraire à ses lois ou qui ne puisse s’en déduire, je