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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

Pour nous, si nous voulons nous séparer de cette foule agitée des théologiens vulgaires, et, délivrant notre âme de leurs vains préjugés, ne pas nous exposer à confondre des opinions tout humaines avec les enseignements divins, nous devons nous tracer pour l’interprétation des livres saints une méthode sûre, sans laquelle toute connaissance certaine de la pensée du Saint-Esprit est évidemment impossible. Or, pour caractériser d’avance notre pensée en peu de mots, nous croyons que cette méthode pour interpréter sûrement la Bible, loin d’être différente de la méthode qui sert à interpréter la nature, lui est au contraire parfaitement conforme. Quel est en effet l’esprit de la méthode d’interprétation de la nature ? Elle consiste à tracer avant tout une histoire fidèle de ses phénomènes, pour aboutir ensuite, en partant de ces données certaines, à d’exactes définitions des choses naturelles. Or c’est exactement le même procédé qui convient à la sainte Écriture. Il faut premièrement en faire une histoire fidèle, et se former ainsi un fonds de données et de principes bien assurés, d’où l’on déduira plus tard la vraie pensée des auteurs de l’Écriture par une suite de conséquences légitimes. Quiconque pratiquera cette méthode, pourvu qu’il ne se serve dans l’interprétation de l’Écriture d’autres données ni d’autres principes que ceux qui sont contenus dans son histoire, est parfaitement certain de se mettre à l’abri de toute erreur, et de pouvoir discuter sur des objets qui passent la portée humaine avec la même sécurité que sur les choses qui sont du ressort de la raison. Mais pour qu’il soit bien établi que la route que je trace non-seulement est sûre, mais a seule ce caractère et se trouve en parfait accord avec la méthode qui sert à interpréter la nature, je dois faire remarquer que les livres saints contiennent un grand nombre de choses sur lesquelles la raison naturelle ne fournit aucune lumière. Car ce qui fait la plus grande partie de l’Écriture, ce sont des récits historiques et des révélations. Or ces récits ne contiennent guère que des