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TRAITÉ

miracles, c’est-à-dire (comme on l’a expliqué dans le chapitre précédent) des phénomènes extraordinaires, où se mêlent toujours les opinions et les jugements de ceux qui les racontent ; et quant aux révélations, nous avons montré dans notre chapitre IIe qu’elles sont également accommodées aux opinions des prophètes ; et d’ailleurs, en elles-mêmes, elles surpassent la portée de l’esprit humain. Par conséquent, pour connaître toutes ces choses, c’est-à-dire presque tout ce qui est contenu dans l’Écriture, il ne faut consulter que l’Écriture elle-même ; de même que, pour connaître la nature, c’est la nature seule qu’il faut interroger. Je sais bien que l’Écriture contient aussi des prescriptions morales qui se peuvent déduire de la raison naturelle ; mais ce que la raison ne nous apprend pas, c’est qu’il y ait effectivement dans les livres saints de telles prescriptions morales, et ce point ne peut être éclairci que par la lecture seule des livres saints. Je dis plus : si nous voulons constater, d’un esprit libre de tout préjugé, la divinité de l’Écriture, il est nécessaire que nous sachions par elle-même qu’elle enseigne une morale vraie ; autrement, nous n’aurions plus aucun moyen de prouver que l’Écriture est divine, puisque la certitude des prophéties nous a été principalement démontrée par la droiture et la sincérité des prophètes. Il faut donc que la pureté de leur morale soit parfaitement établie pour que nous puissions avoir foi dans leurs paroles. Quant aux miracles, outre que les faux prophètes en pouvaient faire, nous avons déjà établi qu’ils sont incapables de nous convaincre de l’existence de Dieu. Il ne reste donc qu’un moyen de constater la divinité de l’Écriture, c’est de faire voir qu’elle enseigne la véritable vertu. Or l’Écriture seule peut nous donner des preuves à cet égard, et si elle en était incapable, elle perdrait ses droits à notre confiance, et sa divinité ne serait qu’un préjugé. Je conclus donc que la connaissance tout entière de l’Écriture ne doit être demandée qu’à l’Écriture elle-même, et à elle seule.