Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/221

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
153
THÉOLOGICO-POLITIQUE.

CHAPITRE VIII


ON FAIT VOIR QUE LE PENTATEUQUE ET LES LIVRES DE JOSUÉ, DES JUGES, DE RUTH, DE SAMUEL ET DES ROIS NE SONT POINT AUTHENTIQUES. — ON EXAMINE ENSUITE S’ILS SONT L’OUVRAGE DE PLUSIEURS OU D’UN SEUL, ET QUEL EST CET UNIQUE ÉCRIVAIN.


Nous avons traité dans le précédent chapitre des principes sur lesquels repose la connaissance de l’Écriture, et il a été établi qu’une histoire fidèle des livres saints est la base de tout le reste. Or cette histoire si nécessaire, les anciens l’ont entièrement négligée, ou du moins les témoignages et les écrits qu’ils ont pu nous transmettre à cet égard ont péri par l’injure du temps, laissant dans la connaissance de l’Écriture une lacune à jamais déplorable. On pourrait toutefois réparer jusqu’à un certain point cette perte, si les hommes qui ont recueilli l’héritage des anciens avaient su garder une juste mesure et transmettre à leurs successeurs, en toute sécurité, le peu qu’ils avaient entre les mains, sans l’altérer par des additions indiscrètes ; mais ils ont si bien fait que l’histoire de l’Écriture est restée imparfaite, et bien plus elle contient d’assez graves erreurs pour qu’il soit également impossible ou de s’y confier ou de la refaire. J’ai dessein cependant de reprendre la connaissance de l’Écriture sainte par les fondements, et mieux encore, de dissiper les préjugés des théologiens sur cette matière. Certes, j’ai lieu de craindre que cette entreprise ne soit tardive ; car les choses en sont venues au point que les hommes ne veulent plus qu’on les redresse ; et ils s’attachent d’une façon si opiniâtre aux opinions qu’une apparence trompeuse de religion leur a fait embrasser, que la raison ne peut plus faire valoir ses droits qu’auprès d’un très-petit nombre ; tant les préjugés ont étendu leur empire sur la masse des hommes. Voilà de grands obstacles au dessein que je me propose ;