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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

peut-être nous donner à penser qu’elles ne se trouvaient pas dans le livre de la loi, par la raison que Moïse ordonne aux lévites de lire au peuple, outre l’exposition de la loi, ces douze malédictions, pour les contraindre par la force du serment à l’obéissance. Peut-être aussi notre auteur avait-il dans l’esprit le dernier chapitre du Deutéronome où se trouve la mort de Moïse racontée en douze versets. Mais il est inutile d’insister plus longuement sur ce passage particulier d’Aben-Hezra et sur les rêveries des autres commentateurs. Je viens à la troisième remarque de notre savant auteur, qui cite cet endroit du Deutéronome (chap. xxxi,vers. 6) : « Et Moïse écrivit la loi ; » et en conclut que ces paroles ne peuvent être de Moïse, mais d’un autre écrivain qui raconte la vie et les écrits de Moïse. En quatrième lieu, il s’appuie du passage de la Genèse (chap. xii, vers. 6), où l’historien, racontant le passage d’Abraham à travers le pays de Chanaan, ajoute que « le Chananéen était alors en ce pays, » paroles qui marquent évidemment un autre état de choses pour le temps où écrit l’historien. D’où il suit que ce récit ne peut avoir été fait qu’après la mort de Moïse, à l’époque où les Chananéens, chassés de leur pays, ne possédaient plus ces contrées. Aben-Hezra insiste encore sur ce point : « Et le Chananéen, dit-il, était alors en ce pays. Il y a apparence que Chanaan (neveu de Noé) s’empara du pays des Chananéens, possédé par un autre maître ; que si les choses ne sont pas ainsi, il y a là quelque mystère, et celui qui l’entend doit s’abstenir. » Ce qui veut dire que si Chanaan s’empara de ces contrées, le sens du passage est alors que « le Chananéen avait autrefois occupé le pays, » ce qui marque un autre état de choses, non pour le temps présent, mais pour le temps antérieur où le pays de Chanaan était au pouvoir d’une autre nation. Mais si Chanaan est le premier qui ait habité cette contrée (comme on peut le conclure de la Genèse, chap. x), il est clair en ce cas que le passage en question se rapporte en effet au temps présent, c’est-à-dire à celui où parle