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TRAITÉ

l’écrivain ; et il s’ensuit alors que ce temps n’est pas celui de Moïse, puisqu’au temps de Moïse, les Chananéens possédaient encore leur pays. Voilà le mystère sur lequel Aben-Hezra recommande de ne point s’expliquer. La cinquième remarque de notre auteur, c’est que la montagne de Moïse est appelée dans la Genèse (chap. xxii, vers. 14) montagne de Dieu[1], nom qu’elle n’a porté qu’après avoir été choisie pour la construction du temple ; or il est clair que ce choix n’était pas encore fait du temps de Moïse, puisqu’au lieu de marquer un lieu pour cet usage au nom du Seigneur, il prédit qu’un jour le Seigneur le désignera lui-même et lui fera porter son nom. Aben-Hezra fait remarquer encore les paroles qui, dans le chapitre iii du Deutéronome, accompagnent l’histoire d’Og, roi de Basan : « De la défaite des géants[2], il ne resta que le seul Og, roi de Basan. Or son lit était un lit de fer, le même sans doute qui est dans Rabat, ville des enfants d’Ammon, et qui a neuf coudées de long, » etc. Cette parenthèse indique évidemment que l’auteur du livre a vécu longtemps après Moïse ; car on ne s’exprime de la sorte que lorsqu’on raconte des événements d’une date très-ancienne, et qu’on cite en témoignage de la vérité de son récit les monuments du passé. Et sans aucun doute, le lit dont il est ici question ne fut trouvé qu’au temps de David, qui s’empara le premier de Rabat, ainsi qu’on le raconte au livre de Shamuel (chap. xii, vers. 30). Mais ce n’est pas en cet endroit seulement que l’auteur du Deutéronome ajoute aux paroles de Moïse. Voici, un peu plus bas, un passage du même genre : « Jair, fils de Manassé, a occupé toute la contrée d’Argob, jusqu’à la frontière des Géhurites et des Mahachatites ; et il a donné son nom à tout le pays et aux bourgs de Basan, qu’on appelle encore aujourd’hui bourgs de Jaïr. » Ces paroles sont cer-

  1. Voyez les Notes marginales de Spinoza, note 11.
  2. On remarquera que le mot hébreu Raphaim signifie Damnés ; mais on peut croire, d’après les Paralipomènes, chap. xx, que c’est aussi un nom propre. Je pense donc qu’en cet endroit il marque le nom d’une famille. (Note de Spinoza.)