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TRAITÉ

son récit à la troisième personne, et nous raconte que Moïse écrivit cette loi qu’il avait d’abord expliquée de vive voix au peuple, donna aux Hébreux ses dernières instructions et cessa de vivre. Or il est clair que cette manière de parler, ces témoignages et toute la contexture de cette histoire, tout nous invite à penser que les livres du Pentateuque ne sont pas de la main de Moïse, mais de celle d’un autre écrivain.

2° Il est encore à remarquer qu’on ne trouve pas seulement dans cette histoire de Moïse sa mort, son ensevelissement et le deuil des Hébreux durant trente jours, mais qu’il y est dit expressément : « Il ne s’est jamais vu en Israël aucun prophète comparable à Moïse, et que Dieu ait connu comme lui face à face. » Or ce témoignage, Moïse n’a pu se le donner à lui-même, et il n’a pu lui être donné par aucun écrivain venu immédiatement après lui, mais seulement par un écrivain postérieur de plusieurs siècles. Qu’on y regarde, en effet : l’auteur du livre parle d’un temps très-éloigné : « Il ne s’est jamais rencontré aucun prophète. » Et de même, quand il est question de la sépulture de Moïse, le texte porte que « nul ne l’a connue jusqu’à ce jour. »

3° On remarquera aussi qu’il y a de certains lieux qui ne sont pas désignés dans le Pentateuque par les noms qu’ils portaient au temps de Moïse, mais par des noms qu’ils ont reçus longtemps après. Ainsi, dans la Genèse (chap. xiv, vers. 1), il est dit : « Abraham poursuivit les ennemis jusqu’à Dan. » Or ce nom ne fût donné à la ville dont il s’agit que longtemps après la mort de Josué (voyez Juges, chap. xviii, vers. 29).

4° Les récits historiques du Pentateuque s’étendent quelquefois au delà du temps où vivait Moïse. Car il est dit dans l’Exode que les enfants d’Israël mangèrent la manne durant l’espace de quarante années, jusqu’au moment où ils parvinrent dans des régions habitées, aux confins de Chanaan, c’est-à-dire jusqu’au temps dont il est parlé dans Josué (chap. v, vers. 12). On trouve aussi