Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/236

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
168
TRAITÉ

cepte, non-seulement n’est pas donné de la même façon dans les deux livres, mais il est beaucoup plus développé dans le Deutéronome ; et la raison sur laquelle il repose en ce dernier livre est toute différente de celle que donne l’Exode. Enfin l’ordre dans lequel est expliqué le dixième précepte du Décalogue du Deutéronome n’est pas le même ordre que l’Exode a suivi. J’incline donc à penser que toutes ces différences et d’autres semblables sont l’ouvrage d’Hezras, qui les a introduites en voulant expliquer la loi de Dieu aux hommes de son temps ; et par conséquent, j’admets que le Deutéronome n’est autre chose que le Livre de la Loi de Dieu commenté et embelli par Hezras. Je crois aussi que le Deutéronome est le premier livre qu’Hezras ait écrit, et ce qui me porte à cette conjecture, c’est que ce livre contient les lois de la patrie, c’est-à-dire ce dont le peuple a le plus besoin. J’ajoute que le Deutéronome ne fait point suite, comme les autres livres de l’Écriture, à un ouvrage précédent ; il commence en effet en ces termes, dégagés de tout lien avec un discours antérieur : « Voici les paroles que Moïse, » etc. Après avoir terminé ce livre et enseigné au peuple l’antique loi, Hezras s’occupa, si je ne me trompe, de composer une histoire complète de la nation hébraïque, depuis le commencement du monde jusqu’à la destruction de Jérusalem, et il inséra dans cette histoire, au lieu convenable, le livre précédemment écrit du Deutéronome ; et s’il attacha aux cinq premières parties de son histoire le nom de Moïse, c’est probablement parce que la vie de Moïse en fait la partie principale. Par la même raison, il donna au cinquième livre le nom de Josué, au septième, le nom de livre des Juges, au huitième, le nom de Ruth, au neuvième et peut-être aussi au dixième, le nom de Shamuel ; enfin au onzième et au douzième, le nom de livres des Rois. On me demandera maintenant si Hezras mit la dernière main à son œuvre, et l’acheva selon son désir, c’est ce qu’on verra au chapitre suivant.