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Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/26

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XXV
la vie de spinoza.

il avait été confié ; mais, dit-il, si l’on ne tient pas à la Haye registre des paquets qu’on envoie ici par le bateau, je ne vois pas comment ils pourront être éclaircis, et il vaut mieux en effet qu’ils n’en sachent rien, etc. » Et c’est par ces mots qu’il finit sa lettre, par laquelle on voit clairement à qui on a l’obligation d’une production si abominable.

Des personnes savantes ont déjà suffisamment découvert les impiétés contenues dans ces Œuvres posthumes, et averti en même temps tout le monde de s’en donner garde. Je n’ajouterai que peu de chose à ce qu’elles ont écrit. Le traité de morale commence par des définitions ou descriptions de la Divinité. Qui ne croirait d’abord, à un si beau début, que c’est un philosophe chrétien qui parle ? Toutes ces définitions sont belles, particulièrement la sixième, où Spinoza dit que « Dieu est un être infini ; c’est-à-dire une substance qui renferme en soi-même une infinité d’attributs, dont chacun représente et exprime une essence éternelle et infinie. » Mais quand on examine de plus près ses sentiments, on trouve que le dieu de Spinoza n’est qu’un fantôme, un dieu imaginaire, qui n’est rien moins que Dieu. Ainsi c’est à ce philosophe qu’on peut bien appliquer ce que l’Apôtre dit des impies, Tit. 1, 16 : « Ils font profession de reconnaître un Dieu par leurs discours, mais ils le renient par leurs œuvres. » Ce que David dit des impies, psaume 14, 1, lui convient bien encore : « L’insensé a dit en son cœur qu’il n’y a point de Dieu. » Quoi qu’en ait dit Spinoza, c’est là véritablement ce qu’il pense. Il se donne la liberté d’employer le nom de Dieu et de le prendre dans un sens inconnu à tout ce qu’il y a jamais eu de chrétiens. C’est ce qu’il avoue lui-même dans sa vingt et unième lettre à M. Oldenbourg : « Je reconnais, dit-il, que j’ai de Dieu et de la nature une idée bien différente de ce que les chrétiens modernes veulent en établir. » — « J’estime que Dieu est le principe et la cause de toutes choses, immanente et non pas passagère (Deum, rerum omnium causam immanentem, non vero transeuntem, statuo). » Et pour appuyer son sentiment, il se sert de ces paroles de saint Paul, qu’il détourne en son sens : « C’est en Dieu que nous avons la vie, le mouvement et l’être. » Act., XVII, 28.

Pour comprendre sa pensée, il faut considérer qu’une cause passagère est celle dont les productions sont extérieures et hors d’elle-même, comme quelqu’un qui jette une pierre en l’air ou un