Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/281

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

là que nous n’avons rien dit contre la parole de Dieu, et que nous n’avons aucunement ouvert la porte à l’impiété.

Cela est sacré et divin qui est destiné à la piété et aux exercices de religion ; et tout objet semblable restera sacré aussi longtemps que les hommes s’en serviront avec une pieuse intention. Que si leur piété cesse, ces objets cesseront aussi d’être sacrés ; que s’ils les font servir à des œuvres d’impiété, alors cela même qui était sacré deviendra immonde et profane. Il est, par exemple, un lieu que Jacob le patriarche appela la Maison du Seigneur, parce que c’est là que Dieu s’était révélé à lui et qu’il l’avait adoré ; mais ce même lieu fut appelé par les prophètes une maison d’iniquité (voyez Hamos, chap. V, vers. 5, et Osée, chap. X, vers. 5), parce que les Israélites avaient coutume d’y sacrifier aux idoles par l’ordre de Jéroboham. Voici un autre exemple qui met cette vérité dans tout son jour. Les mots ne doivent qu’à l’usage une signification déterminée ; et s’ils sont tellement disposés selon cet usage que leur lecture excite des sentiments de dévotion, alors les mots et le livre où les mots sont ainsi ordonnés doivent être réputés saints. Mais si plus tard l’usage s’efface tellement que les mots ne gardent plus aucune signification, soit parce que le livre est tout à fait négligé, soit par des altérations criminelles, soit parce qu’on n’en a plus besoin, alors les mots et les livres, n’étant d’aucun usage, n’auront aucune sainteté ; ensuite, si ces mêmes mots sont disposés autrement, ou si l’usage a prévalu de leur donner une signification contraire, alors ces mots et ces livres, de saints qu’ils étaient auparavant, deviendront impurs et profanes. Il résulte de là qu’aucun objet, considéré hors de l’âme, ne peut être appelé absolument sacré ou profane et impur ; ce n’est que par leur rapport à l’âme que les objets prennent tel ou tel de ces caractères. On peut encore démontrer ce point avec une extrême évidence par plusieurs passages de l’Écriture. Citons-en un ou deux. Jérémie (chap. VII, vers. 4) dit que c’est à tort que les Juifs de son temps donnaient le