Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/282

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nom de temple de Dieu au temple de Salomon ; car le nom de Dieu, comme il le déclare ensuite dans le même chapitre, ne pouvait être attribué à ce temple que pendant le temps où il était fréquenté par des hommes qui adoraient Dieu et qui défendaient la justice ; que s’il n’y entrait que des homicides, des voleurs, des idolâtres et d’autres scélérats, alors on devait le regarder plutôt comme un repaire de brigands. Je demanderai aussi ce qu’est devenue l’arche d’alliance. L’Écriture n’en dit rien, et je me suis souvent étonné de ce silence ; il est certain cependant qu’elle a péri ou qu’elle a été brûlée avec le temple, quoiqu’elle fût ce qu’il y avait de plus sacré et de plus respecté chez les Hébreux. Il est donc évident, par la même raison, que l’Écriture ne demeure sacrée et que ses discours ne sont divins que pendant qu’elle inspire aux hommes des sentiments de piété ; mais si ces mêmes hommes la délaissent tout à fait, comme l’ont fait autrefois les Juifs, elle n’est plus que de l’encre et du papier, elle est profanée et abandonnée à la corruption, et partant on a tort de dire, si elle périt ou se corrompt, que c’est la parole même de Dieu qui a péri ou qui s’est corrompue, de même qu’au temps de Jérémie on aurait eu tort de dire que le temple qui fut consumé dans les flammes était le temple de Dieu. Jérémie rend le même témoignage au sujet de la loi ; car il apostrophe ainsi les impies de son temps : Pourquoi dites-vous : Nous sommes maîtres et la loi de Dieu est avec nous ? Certes c’est en vain qu’elle a été donnée, c’est en vain que la plume des scribes (a été faite) ; c’est-à-dire, parce que vous avez l’Écriture en votre pouvoir, vous avez tort de croire que vous avez aussi la loi de Dieu, après que vous l’avez anéantie. Ainsi encore, lorsque Moïse brisa les premières tables, il fut loin, dans sa colère, de rejeter de ses mains et de briser la parole de Dieu (qui pourrait en effet s’imaginer pareille chose et de Moïse et de la parole de Dieu ?) ; Moïse ne brisa donc que les pierres qui, pour être saintes auparavant parce qu’elles portaient les caractères de l’alliance par