Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/284

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que proprement cette loi divine dont nous avons parlé au chapitre IV, c’est-à-dire la religion universelle du genre humain, ou la religion catholique : voyez sur cette matière le chapitre I, verset 10, d’Isaïe, où ce prophète enseigne la vraie manière de vivre, qui, loin de consister dans les cérémonies, est fondée sur l’esprit de charité et de vérité ; et c’est là ce qu’il appelle indistinctement loi de Dieu, verbe de Dieu. Ensuite ce mot est pris métaphoriquement pour l’ordre de la nature et pour le fatum (qui dépend réellement et résulte d’un décret éternel de la nature divine), et principalement pour ce que les prophètes avaient prévu au sujet de cet ordre ; car ils ne concevaient point les choses à venir comme devant se produire par des causes naturelles, mais comme des volontés ou des décrets de Dieu. Enfin ce mot est pris aussi pour toute prédiction des prophètes, en tant que chacun d’eux l’avait perçue par une vertu singulière qui lui était propre, ou par un don prophétique, et non par les voies ordinaires de la lumière naturelle ; et surtout parce que les prophètes, comme nous l’avons démontré au chapitre IV, avaient coutume de se représenter Dieu comme un législateur. Voici donc les trois causes pour lesquelles l’Écriture est appelée parole de Dieu, savoir : parce qu’elle enseigne la vraie religion, dont Dieu est l’éternel auteur ; ensuite parce qu’elle expose les événements de l’avenir comme des décrets de Dieu ; et enfin parce que ceux qui en furent effectivement les auteurs l’ont enseignée généralement, non par le moyen vulgaire de la lumière naturelle, mais par une lumière qui leur était particulière et de la même façon que si Dieu lui-même eût parlé par leur bouche. Et bien qu’il y ait en outre dans l’Écriture grand nombre de choses purement historiques et perçues par la lumière naturelle, elle reçoit cependant son nom des objets plus relevés qu’elle contient. On voit facilement par là en quel sens il faut regarder Dieu comme auteur de la Bible : c’est évidemment parce que la vraie religion y est enseignée, et non pas parce que Dieu a voulu com-