Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/283

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laquelle les Juifs avaient promis obéissance à Dieu, perdirent toute autorité du jour où le peuple renonça à ce pacte en offrant ses hommages à un veau ; et c’est aussi pour la même raison que les secondes tables ont pu périr avec l’arche. Il ne faut donc pas s’étonner que les premiers originaux des livres de Moïse n’existent plus, ni que les accidents dont nous avons parlé aient frappé les livres que nous possédons, puisque le véritable original de l’alliance divine, la chose du monde la plus sainte, a bien pu disparaître complètement. Que l’on cesse donc de nous accuser d’impiété, nous qui n’avons rien dit contre la parole de Dieu, et qui ne l’avons pas souillée, et que la juste colère qu’on pourrait avoir retombe sur les anciens, dont la malice a profané et corrompu l’arche de Dieu, le temple, la loi et toutes les choses saintes. D’ailleurs si, comme le dit l’Apôtre (Epît. II aux Corinthiens, chap. III, vers. 3), les hommes portent en eux l’Épître divine écrite, non avec de l’encre, mais avec l’Esprit de Dieu, si elle est gravée, non sur des tables de pierre, mais sur les tables vivantes de leur cœur, qu’ils cessent d’adorer la lettre et d’en prendre un si grand souci. — Je pense avoir suffisamment établi par ces explications le sens dans lequel l’Écriture doit être réputée sainte et divine. Maintenant il faut voir ce qu’il faut proprement entendre par debar Jehovah (la parole de Dieu) : ce mot debar signifie verbe, discours, édit et chose. Quant aux raisons pour lesquelles on dit en hébreu qu’une chose est à Dieu et qu’elle se rapporte à Dieu, nous les avons exposées au chapitre I, et on en infère facilement ce que l’Écriture veut faire entendre par parole de Dieu, discours, édit et chose. Il n’est donc pas nécessaire de rappeler ici toute cette discussion, ni même ce que nous avons exposé en troisième lieu dans le chapitre VI, au sujet des miracles. Une simple indication de ces passages suffit pour faire mieux entendre ce que nous voulons dire ici sur ce sujet, à savoir : que la parole de Dieu, appliquée à un sujet qui n’est pas Dieu lui-même, mar-