Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/291

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précédemment, qui trouvent dans l’Écriture des mystères dont nulle langue ne saurait expliquer la profondeur, et qui ont ensuite introduit dans la religion tant de spéculations philosophiques qu’il semble que l’Église soit une académie, et la religion une science ou plutôt une école de controverse. Mais pourquoi s’étonner que des hommes qui se vantent de posséder une lumière surnaturelle ne veuillent pas le céder en connaissance aux philosophes, qui sont réduits aux ressources naturelles ? Ce qui étonnerait, ce serait de les entendre exposer quelque nouveauté spéculative, quelque opinion qui n’eût pas été autrefois répandue dans les écoles de ces philosophes païens (qu’ils accusent cependant d’aveuglement). Car si vous leur demandez quels sont les mystères qu’ils voient dans l’Écriture, ils ne vous produiront, je vous l’assure, que les fictions d’un Aristote, d’un Platon, ou d’un autre semblable auteur de systèmes ; fictions qu’un idiot trouverait plutôt dans ses songes que le plus savant homme du monde dans l’Écriture. Ce n’est pas que nous voulions nier absolument qu’il y ait rien dans la doctrine de l’Écriture qui soit de l’ordre de la spéculation ; aussi bien dans le chapitre précédent nous avons allégué certains principes de ce genre et qui sont comme les fondements de l’Écriture : nous voulons dire seulement que les spéculations y sont très-rares et très-simples. Mais quelles sont-elles, et comment les déterminer, c’est un point que j’ai dessein d’éclaircir ici ; cela me sera facile maintenant qu’il est établi que l’Écriture n’a point pour objet d’enseigner les sciences ; car on peut facilement conclure de là qu’elle n’exige des hommes que l’obéissance et que ce n’est pas l’ignorance, mais l’opiniâtreté seule qu’elle condamne. Ensuite, puisque l’obéissance envers Dieu ne consiste que dans l’amour du prochain (car celui qui aime son prochain dans l’intention de complaire à Dieu, celui-là, comme le dit Paul dans son Épître aux Romains, chap. XIII, vers. 8, a accompli la loi), il s’ensuit que l’Écriture ne recommande pas d’autre science que celle qui