Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/292

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est nécessaire à tous les hommes pour qu’ils puissent obéir à Dieu selon ce précepte, de sorte que ceux qui l’ignorent doivent nécessairement être opiniâtres ou du moins indociles ; quant aux autres spéculations qui ne tendent pas directement à ce but, qu’elles aient pour objet la connaissance de Dieu ou celle des choses naturelles, elles ne regardent pas l’Écriture, et il faut par conséquent les retrancher de la religion révélée. Mais, quoique ce point soit maintenant bien éclairci, comme le fond même de la religion en dépend, je veux examiner la chose avec plus de soin et la mettre mieux en lumière. Pour cela il faut prouver avant tout que la connaissance intellectuelle ou approfondie de Dieu n’est pas, comme l’obéissance, un don commun à tous les fidèles ; ensuite, que cette sorte de connaissance que Dieu, par la bouche des prophètes, a exigée généralement de tout le monde, et que chacun est tenu de posséder, n’est autre chose que la connaissance de la divine justice et de la charité : deux points qui se prouvent facilement par l’Écriture elle-même. Car 1° on les peut conclure avec évidence du passage de l’Exode (chap. VI, vers. 2) où Dieu, pour montrer la grâce particulière qu’il a donnée à Moïse, dit : Et je me suis révélé à Abraham, à Isaac et à Jacob en tant que Dieu Sadaï, mais ils ne m’ont pas connu sous mon nom de Jéhovah. Ici, pour mieux entendre ce passage, il faut remarquer que El Sadaï en hébreu veut dire Dieu qui suffit, parce qu’il donne en effet à chacun ce qui lui suffit ; et quoique souvent Sadaï soit pris absolument pour signifier Dieu, il n’est pas douteux néanmoins qu’il faille partout avec ce mot sous-entendre El, c’est-à-dire Dieu. Ensuite il est à remarquer qu’on ne trouve pas dans l’Écriture d’autre nom que celui de Jéhovah pour exprimer l’essence absolue de Dieu, sans rapport aux choses créées. Aussi les Hébreux prétendent-ils que c’est là le seul nom qui convienne à Dieu, que les autres sont purement appellatifs ; et effectivement les autres noms de Dieu, qu’ils soient substantifs ou adjectifs, sont