Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/297

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avant tout d’une manière très-claire les attributs de Dieu selon que chacun est tenu de les connaître ; et c’est ce qu’ils n’ont fait nulle part. Il faut donc se garder de croire que des opinions prises d’une manière absolue et sans rapport à la pratique et aux effets aient quelque piété ou quelque impiété ; estimons plutôt qu’il ne faut attribuer à un homme l’un ou l’autre de ces caractères qu’autant que ses opinions le portent à l’obéissance ou qu’elles le conduisent à la rébellion et au péché : de sorte que, si en croyant la vérité il devient rebelle, sa foi est réellement impie, et elle est pieuse au contraire si, en croyant des choses fausses, il devient obéissant ; car nous avons prouvé que la vraie connaissance de Dieu n’est point un commandement, mais un don divin, et que Dieu n’exige des hommes que la connaissance de sa divine justice et de sa charité, laquelle n’est pas nécessaire pour la science, mais seulement pour l’obéissance.


CHAPITRE XIV.


ON EXPLIQUE LA NATURE DE LA FOI, CE QUE C’EST QU’ÊTRE FIDÈLE ET QUELS SONT LES FONDEMENTS DE LA FOI ; PUIS ON SÉPARE LA FOI DE LA PHILOSOPHIE.


Personne ne disconviendra, si peu qu’il veuille y réfléchir, que, pour avoir une véritable idée de la foi, il est nécessaire de savoir que l’Écriture n’a pas été appropriée seulement à l’intelligence des prophètes, mais qu’elle a été mise aussi à la portée du peuple juif, le plus variable, le plus inconstant qui fut jamais. Quiconque, en effet, prend indifféremment tout ce qui est dans l’Écriture pour une doctrine universelle et absolue sur la Divinité, et ne discerne pas avec soin de tout le reste ce qui a été approprié à l’intelligence du vulgaire doit nécessairement confondre les opinions du peuple avec la doctrine céleste, prendre les fictions et les songes des