Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/299

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exposer tous ces points avec méthode, revenons sur le véritable but de toute l’Écriture ; cela nous donnera la vraie règle pour déterminer la foi. Nous avons dit dans le chapitre précédent que le seul but de l’Écriture est d’enseigner l’obéissance ; et c’est une vérité que personne ne peut mettre en doute. Qui ne voit en effet que les deux Testaments ne sont, l’un et l’autre, qu’une doctrine d’obéissance, et qu’ils n’ont pas d’autre but que d’inviter les hommes à une obéissance volontaire ? Car, sans revenir sur ce que j’ai démontré dans le chapitre précédent, je dirai que Moïse n’a point cherché à convaincre les Israélites par la raison, mais qu’il s’est efforcé de les lier par un pacte, par des serments et par des bienfaits ; ensuite il a menacé de châtiments ceux qui enfreindraient les lois, tout en invitant le peuple, par des récompenses, à leur obéir. Or tous ces moyens sont bons pour inspirer l’obéissance, et nullement pour donner la science. Quant à l’Évangile, sa doctrine ne contient rien que la foi simple, savoir, croire à Dieu et le révérer, ou ce qui revient au même, obéir à Dieu. Il n’est donc pas besoin, pour démontrer une chose très-manifeste, d’accumuler ici les textes de l’Écriture qui recommandent l’obéissance et qui se trouvent en grand nombre dans les deux Testaments. Ensuite cette même Écriture enseigne très-clairement, en une infinité de passages, ce que chacun doit faire pour obéir à Dieu ; toute la loi ne consiste qu’en cet unique point : notre amour pour notre prochain ; ainsi personne ne peut douter qu’aimer son prochain comme soi-même, ainsi que Dieu l’ordonne, c’est effectivement obéir et être heureux selon la loi, et qu’au contraire le dédaigner ou le haïr, c’est tomber dans la rébellion et dans l’opiniâtreté. Enfin tout le monde reconnaît que l’Écriture n’a pas été écrite et répandue seulement pour les doctes, mais pour tous les hommes de tout âge et de toute condition. Et de ces seules considérations il suit très-évidemment que l’Écriture ne nous oblige de croire à rien autre chose qu’à ce qui est absolument nécessaire pour