Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/360

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que divin, lui était ignominieux et même suspect, pour en désirer un nouveau, que les chefs (qui aspirent toujours à s’emparer exclusivement du souverain pouvoir), pour s’attacher le peuple et le détourner des pontifes, lui aient fait toutes sortes de concessions, et aient introduit dans la patrie de nouveaux cultes ? Mais si la république eût été instituée d’après le plan primitif, droits et honneurs, toutes choses eussent été égales pour toutes les tribus, et l’État eût joui d’une sécurité complète. Quel homme consentirait à violer les droits sacrés de ceux qui lui sont unis par les liens du sang ? qui n’aimerait à remplir un devoir de religion en nourrissant des frères ou des parents ? qui ne se plairait à être instruit par eux dans l’interprétation des lois, à recevoir de leur bouche les réponses divines ? Et puis, toutes les tribus eussent été unies entre elles par un lien beaucoup plus étroit, si elles eussent toutes exercé également le droit d’administrer les choses sacrées. Il y a plus, tout danger eût disparu, si l’élection des Lévites n’avait pas eu pour cause la colère et la vengeance. Mais, comme nous l’avons déjà dit, les Hébreux furent l’objet de la colère de leur Dieu, qui, pour répéter les paroles d’Ézéchiel, les souilla de leurs propres présents, en leur renvoyant les fruits du sein maternel, afin de consommer leur ruine. Toutes ces explications d’ailleurs, l’histoire les confirme. À peine le peuple dans le désert eut-il quelque repos, que plusieurs, élevés au-dessus du peuple par leur rang et leur naissance, supportèrent difficilement cette élection des Lévites, et en prirent occasion de supposer que Moïse établissait et instituait toutes choses, non d’après les ordres de Dieu, mais selon son caprice. N’avait-il pas choisi sa tribu de préférence à toutes les autres, et donné éternellement à son frère le droit du pontificat ? Aussi vont-ils trouver Moïse en grand tumulte, s’écriant que tous les Hébreux sont également saints et que sa propre autorité sur tout le peuple est une infraction au droit. Moïse ne peut les apaiser ; mais