Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/377

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avait reçu du droit de l’État force de loi. C’est encore pour cette cause qu’après la ruine du gouvernement hébraïque, la religion révélée cessa d’avoir force de droit. Il est indubitable en effet qu’au moment où les Hébreux abandonnèrent leurs droits au roi de Babylone, le royaume de Dieu et le droit divin cessèrent d’exister. Par le fait même, le pacte par lequel ils s’étaient engagés à obéir à toutes les volontés de Dieu, et qui était le fondement du royaume de Dieu, se trouvait détruit, et les Hébreux n’y pouvaient plus rester fidèles, ne relevant plus d’eux-mêmes (comme dans les déserts et au sein de leur patrie), mais relevant du roi de Babylone, auquel en toutes choses (comme nous l’avons montré chap. XVI) ils étaient obligés d’obéir. C’est ce dont Jérémie (chap. XXIX, vers. 7) les avertit expressément : Veillez, dit-il, à la tranquillité de la ville, vers laquelle je vous ai conduits en captivité. Il n’y a de salut pour vous que dans son salut. Mais s’ils devaient veiller au salut de la cité, ce ne pouvait être comme des ministres du gouvernement (n’étaient-ils pas captifs ?) mais comme des esclaves, c’est-à-dire en se pliant à une obéissance absolue, en s’abstenant de toute sédition, enfin en observant les lois et respectant les droits de l’État, bien qu’ils fussent très-différents de ceux de leur patrie, etc. Ne suit-il pas évidemment de tout cela que la religion chez les Hébreux n’acquit force de droit qu’en s’appuyant sur le droit de l’État, et que, l’État ruiné, elle cessa d’être la propriété d’un État particulier, et ne fut plus qu’un dogme universel de la raison ; de la raison, dis-je, la religion catholique ne s’étant pas encore manifestée aux hommes par la révélation ? Concluons donc que la religion, qu’elle soit révélée par la lumière naturelle, ou par la voix des prophètes, ne peut acquérir force de loi qu’en vertu d’un décret émané de ceux qui ont le droit de commander, et que Dieu ne peut avoir un royaume particulier au milieu des hommes que par l’intermédiaire du souverain. C’est ce qui suit encore, et d’une manière encore plus claire, de ce